La société A. commercialise des produits de beauté en parapharmacie. Elle conclut avec celles-ci deux types de contrat : le premier pour la distribution au sein des officines et le second pour la vente à distance sur internet. Il est ainsi précisé que seul un distributeur agréé disposant dun point de vente physique sera en droit de vendre en ligne les produits de la société A. sur son site internet.
La société B. possède une plateforme internet permettant aux pharmaciens de vendre leurs produits.
Constatant la revente de ses produits sur le site, la société A. a assigné la société B. pour que celle-ci cesse la commercialisation de ses produits sur sa plateforme. Cette demande a été accueillie dans une ordonnance du 31 décembre 2014 rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris.
Dans un arrêt du 13 septembre 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé larrêt dappel au motif quil ne justifiait pas en quoi les pratiques de la société A. qui interdisait la revente de ses produits sur un site tiers constituaient une restriction de concurrence caractérisée.
Statuant sur renvoi après cassation, la cour dappel de Paris, dans cette décision du 13 juillet 2018, revient sur ce contentieux.
La société B. a tout dabord revendiqué quelle nétait que lhébergeur de la plateforme litigieuse conformément à larticle 6.I de la loi pour la confiance dans léconomie numérique. La cour dappel écarte cet argument en soulignant le rôle actif que la société B. joue dans la commercialisation des produits. De plus, les conditions générales des contrats types passés entre cette société et les pharmaciens précisent que la société B. est éditeur et quune autre société est hébergeur. Enfin, la société B. ne pouvait ignorer quelle commercialisait les produits de la société A. en raison des nombreuses mises en demeure que celle-ci lui a adressées.
Concernant le droit de la concurrence, la cour dappel souligne que le Traité sur le fonctionnement de lUnion européenne (TFUE) interdit toute association ou pratiques concertées qui sont susceptibles daffecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet dempêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur. La Cour de justice de lUnion européenne (CJUE) a cependant précisé dans un arrêt du 6 décembre 2017 (Coty Germany) quun système de distribution sélective de produits visant à préserver leur image de luxe est conforme à cette disposition si le choix des revendeurs se fait en fonction de critères objectifs, fixés de manière uniforme et non discriminatoire et que ces critères sont proportionnés à lobjectif poursuivi.
En lespèce, les juges du fond indiquent que compte tenu de lallure et de limage de prestige de la marque, les produits de la société A. peuvent être considérés comme des produits de luxe.
Les critères appliqués par la société A. concernant la sélection de son réseau de distribution napparaissent pas comme discriminatoires étant donné que la société a également pris des mesures afin que dautres plateformes tierces ne commercialisent plus ses produits.
Enfin, la cour dappel conclu que les mesures prises par la société A. sont bien proportionnées à lobjectif de protection de limage de la marque. En effet, en labsence de contrat entre la société A. et le revendeur, celle-ci ne peut pas imposer ses conditions de vente. Ainsi, elle ne pouvait pas imposer à la société B. les images et les textes quelle prévoit en principe. De plus, il est apparu que la société B. proposait des produits de la société A. qui avait été retirés de la vente et que dautres produits étaient mis en vente aux côtés dalarme à incendie ou de caméra de vidéo de surveillance. Ces éléments pouvaient donc nuire à limage de luxe de la marque.
Par conséquent, la cour dappel conclut que les contrats passés entre la société A. et les pharmaciens de son réseau ne restreignent pas la concurrence. La société A. justifie donc de la licéité de son réseau et latteinte portée à celui-ci par la société B. constitue un trouble manifestement illicite.