Suite de l’affaire de la distribution de journaux gratuits dans le métro parisien

Droit de la presse - Droit de la vie privée

La Régie autonome des transports parisiens (RATP) a décidé d’autoriser des entreprises à installer des présentoirs sur son domaine public pour y diffuser des journaux gratuits. A l’issue de la procédure de mise en concurrence, le président-directeur général de la RATP a rejeté l’offre présentée à cette fin par la société V., a décidé de conclure avec la société B. un contrat l’autorisant à occuper son domaine public et a rejeté la demande de la société V. tendant à ce qu’il soit mis un terme à ce contrat.

Le tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions, estimant que, par l’effet conjugué du découpage des lots, de la sélection d’un seul éditeur pour le lot principal et de l’exclusivité accordée à cet éditeur, de l’absence de tout critère objectif dans la détermination du montant de la redevance et de l’existence de clauses faisant obstacle à l’installation de concurrents et visant à favoriser le candidat ayant remporté le lot principal, la RATP a porté une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l’industrie.

Le Conseil d’Etat, par un arrêt rendu le 23 mai 2012, a suspendu l’exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 5 novembre 2010 jusqu’à ce que la cour administrative d’appel de Paris ait statué sur la requête d’appel de la RATP, sauf en tant que ce jugement annule la décision du 18 septembre 2007 en tant qu’il annule la décision rejetant la demande d’autorisation de la société V.

Le 7 février 2013, la cour administrative d’appel statue donc sur la requête d’appel de la RATP.

Concernant la liberté de commerce, elle rappelle que l’autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d’y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec l’affectation et la conservation de ce domaine. La décision de délivrer ou non une telle autorisation, que l’administration n’est jamais tenue d’accorder, n’est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, dont le respect implique, d’une part, que les personnes publiques n’apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi et, d’autre part, qu’elles ne puissent prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d’un intérêt public. La personne publique ne peut toutefois délivrer légalement une telle autorisation lorsque sa décision aurait pour effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement l’occupant en situation d’abuser d’une position dominante, contrairement aux dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce.

La cour administrative d’appel en conclu que les premiers juges ne pouvaient se fonder sur les effets produits par les décisions susvisées de la RATP dans les relations entre les entreprises de presse concernées, lesquels ne pouvaient relever que d’une éventuelle situation d’abus de position dominante ou de manquements à d’autres règles de concurrence, pour relever l’existence d’une atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, alors qu’un tel moyen est par nature inopérant en ce qui concerne l’occupation du domaine public.

Sur la méconnaissance du droit de la concurrence, la cour retient qu’à supposer que la fourniture d’emplacements de distribution de quotidiens gratuits sur le domaine public de la RATP puisse constituer un marché pertinent sur le plan économique et que les décisions contestées afférentes au contrat litigieux aient contribué, en raison du droit exclusif que ce dernier induit, à assurer à l’entreprise bénéficiaire une position dominante sur ce marché, cette situation n’est incompatible avec les stipulations et dispositions de l’article 82 du traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction issue du traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 que si ladite entreprise était amenée, par l’exercice de ce droit exclusif, dans les conditions dans lesquelles il lui a été conféré, à exploiter sa position dominante de façon abusive.

En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’activité économique de distribution de journaux gratuits s’exercerait dans des conditions différentes à l’intérieur ou à l’extérieur des stations de métro. Au surplus, l’accès au domaine de la RATP n’étant pas indispensable pour exercer cette activité de distribution de journaux gratuits, lesquels sont largement distribués dans d’autres lieux et notamment à l’entrée des stations du métro, ce domaine ne constitue donc pas une infrastructure essentielle à cet égard. La cour juge également que si, en attribuant à la société B. un droit exclusif pour la distribution de journaux gratuits, le contrat litigieux a effectivement créé au profit de cette entreprise une position dominante au sein d’une partie du réseau du métro au sens des dispositions précitées, la convention conclue ne remet pas en cause le principe du caractère précaire de l’autorisation d’occupation domaniale accordée en application des principes généraux de la domanialité publique.

06/09/2013