L’article 421-2-5-2 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, a rétabli, sous une nouvelle rédaction, le délit de consultation habituelle de sites internet terroristes dont le Conseil constitutionnel avait censuré une première rédaction par sa décision n° 2016-611 QPC du 10 février 2017.
Ces nouvelles dispositions sanctionnent d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 d’amende le fait de consulter de manière habituelle, sans motif légitime, un service de communication au public en ligne faisant l’apologie ou provoquant à la commission d’actes de terrorisme et comportant des images ou représentations d’atteintes volontaires à la vie.
Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur cette nouvelle rédaction de l’article 421-2-5-2.
Par sa décision rendue le 15 décembre 2017, le Conseil constitutionnel précise, s’agissant de la conformité des dispositions contestées au regard du principe de nécessité des peine, d’une part, que la législation comprend un ensemble d’infractions pénales autres que celle contestée et de dispositions de procédure pénale spécifiques ayant pour objet de prévenir la commission d’actes de terrorisme et, d’autre part, que le législateur a également conféré à l’autorité administrative de nombreux pouvoirs afin de prévenir la commission d’actes de terrorisme.
Le Conseil ajoute que, depuis l’entrée en vigueur des dispositions contestées, le législateur a complété les pouvoirs de l’administration en adoptant, par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, de nouvelles mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance aux fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme.
Il en déduit qu’au regard de l’exigence de nécessité de l’atteinte portée à la liberté de communication, les autorités administrative et judiciaire disposent, indépendamment de l’article contesté, de nombreuses prérogatives, non seulement pour contrôler les services de communication au public en ligne provoquant au terrorisme ou en faisant l’apologie et pour réprimer leurs auteurs, mais aussi pour surveiller une personne consultant ces services et pour l’interpeller et la sanctionner lorsque cette consultation s’accompagne d’un comportement révélant une intention terroriste, avant même que ce projet soit entré dans sa phase d’exécution.
S’agissant des exigences d’adaptation et de proportionnalité requises en matière d’atteinte à la liberté de communication, le Conseil constitutionnel relève que, si les dispositions contestées prévoient que, pour tomber sous le coup du délit qu’elles instaurent, la consultation doit s’accompagner de la manifestation de l’adhésion à l’idéologie exprimée sur les sites consultés, cette consultation et cette manifestation ne sont pas susceptibles d’établir à elles seules l’existence d’une volonté de commettre des actes terroristes. Ces dispositions répriment donc d’une peine de deux ans d’emprisonnement le seul fait de consulter à plusieurs reprises un service de communication au public en ligne, sans que soit retenue comme élément constitutif de l’infraction l’intention terroriste de l’auteur de la consultation.
En outre, si le législateur a exclu la pénalisation de la consultation lorsqu’elle répond à un « motif légitime », la portée de cette exemption ne peut être déterminée en l’espèce, faute notamment qu’une personne adhérant à l’idéologie véhiculée par ces sites paraisse susceptible de relever de l’un des exemples de motifs légitimes énoncés par le législateur. Il en résulte une incertitude sur la licéité de la consultation de certains services de communication au public en ligne et, en conséquence, de l’usage d’internet pour rechercher des informations.
Le Conseil constitutionnel déduit de tout ce qui précède que les dispositions contestées portent une atteinte à l’exercice de la liberté de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée. Il les déclare dès lors contraires à la Constitution en donnant effet immédiat à cette déclaration.