Un préfet, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, a fait citer le directeur de publication d’un site internet devant le tribunal correctionnel des chefs d’injure publique envers un fonctionnaire public et d’omission de mentions légales d’identification sur un site internet de communication au public en ligne.
Il lui reprochait la publication sur un site internet des propos suivants le concernant : « P. : nos lois antiracistes sont les plus répressives du monde … mais c’est pas assez ». » P., l’homme qui se rêve en petit kapo de la toile ». « Ce personnage est payé avec nos impôts, pour se comporter en kapo de la toile ». « Il est de la graine de ces petits commissaires politiques, larbin des pires régimes totalitaires. Osons le dire, quand on écoute P., on se dit que ce garçon aurait fait merveille sous les ordres de B., dans l’Allemagne nazie, sous ceux de C. sous le stalinisme. On sent qu’il rêve de nous rééduquer dans les camps à la Pol Pot ».
La cour d’appel de Versailles a déclaré le prévenu coupable des délits précités.
Les juges du fond ont relevé que l’association créée en France, dont le prévenu était le président, avait décidé de transférer la publication du journal électronique à l’association du même nom ayant son siège en Suisse.
Ils ont retenu que le prévenu était titulaire du contrat d’abonnement à la boîte postale indiquée sur le site internet dont l’adresse électronique de contact, ainsi que le compte « Paypal » indiqué sur le site internet pour la collecte des dons, renvoyaient à l’adresse du domicile du prévenu.
Les juges ont ajouté qu’il apparaissait, eu égard aux éléments de la procédure, que c’était bien le prévenu, dont l’intervention était constante, qui faisait fonctionner ce site internet, en assumant la responsabilité de directeur de publication « de fait », et devait être déclaré pénalement responsable, en application de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, des délits qui lui étaient reprochés.
La Cour de cassation censure ce raisonnement au visa de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, dont il résulte que la responsabilité en cascade qu’il prévoit ne s’applique que lorsque le service de communication au public par voie électronique est fourni depuis la France.
Dans son arrêt du 17 septembre 2019, elle reproche aux juges du fond, qui avaient constaté que le service de communication en ligne était fourni par l’association ayant son siège en Suisse, de ne pas avoir examiné si la responsabilité pénale du prévenu pouvait être engagée en une autre qualité que celle de directeur de la publication.
La Haute juridiction judiciaire précise en effet que la juridiction correctionnelle a le pouvoir d’apprécier le mode de participation de la personne poursuivie aux faits spécifiés et qualifiés dans la poursuite, les restrictions que la loi sur la presse impose aux pouvoirs de cette juridiction n’étant relatives qu’à la qualification par rapport au fait incriminé.