La société X. commercialise un médicament pour les nourrissons. Dans une revue de santé, la société Y. a publié une critique de ce médicament en signalant notamment que celui-ci constituait « un complément empoisonné pour vos enfants ». Elle a également adressé à ses abonnés un bulletin dinformation qualifiant le médicament de « poison pour vos enfants ». La société X. a alors assigné la société Y. aux fins dobtenir la suppression de larticle litigieux et des commentaires laccompagnant, la cessation de la diffusion du bulletin dinformation et la réparation de son préjudice.
Dans un arrêt du 26 avril 2017, la cour dappel de Paris a accueilli les demandes de la société X. Elle a tout dabord précisé quen matière de dénigrement, il importe peu que la société Y. dispose ou non dune base factuelle suffisante pour critiquer le médicament.
Le 11 juillet 2018, la Cour de cassation casse larrêt rendu par la cour dappel. Au visa des articles 10 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales et 1382, devenu 1240, du code civil, elle rappelle que même en labsence dune situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par lune, dune information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par lautre peut constituer un acte de dénigrement. Elle souligne cependant que lorsque linformation divulguée concerne un sujet dintérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, la publication relève du droit à la liberté dexpression qui comprend le droit de libre critique. Dès lors, lobservation nest pas fautive si elle est exprimée avec une certaine mesure. La conclusion de la cour d’appel était donc érronée.
Par ailleurs, la cour dappel a signalé que la publication de critiques sévères est admissible si les propos tenus ne sont pas outranciers et que le traitement des informations est fait avec la prudence nécessaire. En lespèce, elle a cependant indiqué que les termes employés par la société Y. étaient très virulents. De plus, même si les expressions « complément empoisonné », « produits nocifs » et « criminel produit de santé » ont été modifiées, laffirmation de la dangerosité du produit resteait péremptoire et sans nuance et excédait, par conséquent, le droit dexercice normal dune critique.
La cour de cassation écarte encore une fois le raisonnement des juges du fond. Elle relève en effet que les publications litigieuses sinscrivaient dans un débat dintérêt général portant sur la santé publique. De plus, lAgence française de sécurité sanitaire des produits de santé avait, à la suite de malaises de nourrissons, pris des décisions de suspension de la commercialisation du médicament puis émis une note dinformation de pharmacovigilance relative à ce médicament. Par conséquent, les critiques formulées par la société Y. ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté dexpression.