Un directeur et un directeur adjoint d’un journal satirique portugais ont fait l’objet d’une plainte pénale de la part du vice-président du Gouvernement de la région de Madère, au sujet duquel ils avaient publié des articles ainsi qu’une couverture de magazine relatifs à l’achat qu’il aurait fait d’un terrain. Ils furent tout d’abord acquittés, mais la cour d’appel de Lisbonne les a jugé coupables du chef de diffamation, estimant qu’ils n’avaient pas réussi à prouver la véracité des faits sur lesquels se fondaient leurs accusations.
Les requérants ont alors saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), soutenant que leur condamnation pour diffamation avait porté atteinte à leur droit à la liberté d’expression, garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Dans un arrêt du 17 septembre 2013, la Cour, après avoir rappelé que la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels de toute société démocratique, juge que la garantie que l’article 10 offre aux journalistes, en ce qui concerne les comptes rendus sur des questions d’intérêt général, est subordonnée à la condition que les intéressés agissent de bonne foi sur la base de faits exacts et fournissent des informations « fiables et précises » dans le respect de la déontologie journalistique dont le contrôle revêt une importance accrue. Ainsi, il doit exister des motifs spécifiques pour pouvoir relever les médias de l’obligation qui leur incombe d’habitude de vérifier des déclarations factuelles diffamatoires à l’encontre de particuliers.
Au surplus, la Cour rappelle qu’elle a souligné à plusieurs reprises que la satire est une forme d’expression artistique et de commentaire social qui, de par l’exagération et la déformation de la réalité qui la caractérisent, vise naturellement à provoquer et à agiter.
La Cour juge en premier lieu que les faits relatés dans les articles litigieux relevaient manifestement de l’intérêt général.
En second lieu, après avoir analysé le contenu des articles litigieux, la Cour considère qu’au moment de leur publication, la manière dont les requérants avaient traité l’affaire n’était pas contraire aux normes d’un journalisme responsable.
La Cour juge donc que la condamnation des requérants a rompu le juste équilibre entre la protection de leur droit à la liberté d’expression et de celui de l’homme politique à la protection de sa réputation. De surcroît, elle considère qu’indépendamment de la sévérité de la condamnation infligée, l’existence même d’une sanction pénale dans le cadre de cette affaire est de nature à provoquer un effet dissuasif sur la contribution de la presse aux débats d’intérêt général et ne saurait se concevoir sans raisons particulièrement sérieuses.
04/10/2013