Un chauffeur de VTC, contractuellement lié avec la société de droit néerlandais Uber BV par la signature dun formulaire denregistrement de partenariat, a recouru à la plateforme Uber, après avoir loué un véhicule auprès dun partenaire de cette société et sêtre enregistré au répertoire Sirene en tant quindépendant.
A la suite de la désactivation définitive de son compte par la société, le chauffeur a saisi la juridiction prudhomale dune demande de requalification de sa relation contractuelle avec Uber en contrat de travail, et formé des demandes de rappels de salaires et dindemnités de rupture.
La cour d’appel de Paris a fait droit à sa demande le 10 janvier 2019.
Les juges du fond ont notamment retenu que le chauffeur ne décidait pas librement de lorganisation de son activité, ne choisissait pas ses fournisseurs, ne constituait aucune clientèle propre, ne fixait pas librement ses tarifs ni les conditions dexercice de sa prestation de transport, entièrement régis par la société.
Ils ont ajouté que le fait de pouvoir choisir ses jours et heures de travail nexcluait pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors que lorsquun chauffeur se connecte à la plateforme, il intègre un service organisé par la société.
Au sujet des tarifs, les juges ont relevé que ceux-ci étaient contractuellement fixés au moyen des algorithmes de la plateforme par un mécanisme prédictif, imposant au chauffeur un itinéraire particulier dont il navait pas le libre choix.
S’agissant du pouvoir de sanction, outre les déconnexions temporaires à partir de trois refus de courses et les corrections tarifaires appliquées si le chauffeur a choisi un « itinéraire inefficace », les juges du fond ont retenu que la fixation par la société dun taux dannulation de commandes pouvant entraîner la perte daccès au compte y participait, tout comme la perte définitive daccès à lapplication en cas de signalements de « comportements problématiques » par les utilisateurs, auxquels le requérant avait été exposé.
Dans un arrêt du 4 mars 2020, la Cour de cassation approuve la cour dappel d’avoir déduit de lensemble de ces éléments que le statut de travailleur indépendant du requérant était fictif et que la société Uber BV lui avait adressé des directives, en avait contrôlé lexécution et avait exercé un pouvoir de sanction.
Elle rappelle en effet que si les personnes physiques, dans lexécution de lactivité donnant lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires énumérés à l’article L. 8221-6 du code du travail sont présumées ne pas être liées avec le donneur dordre par un contrat de travail, lexistence dun tel contrat peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à légard du donneur dordre.
Ce lien de subordination est, selon la jurisprudence, caractérisé par lexécution dun travail sous lautorité dun employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, den contrôler lexécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein dun service organisé lorsque lemployeur en détermine unilatéralement les conditions dexécution.