Un responsable de projets a été licencié pour motif économique en novembre 2006 par une société dont le dirigeant avait déposé en septembre 2004 une demande de brevet intitulée « dispositif portable de détection, d’alerte et de transmission d’informations relatives à une personne physique », brevet publié en mars 2006.
Il a ensuite été embauché, en février 2008, par une autre société en qualité d’ingénieur développement. Parallèlement, les éléments incorporels de l’actif de la liquidation judiciaire de l’ancien employeur, comprenant le brevet susvisé dont il était devenu propriétaire, ont été cédés de gré à gré à la holding du nouvel employeur, qui souhaitait investir dans le développement du dispositif de détection des chutes et d’alerte. En janvier 2009, cette holding a déposé un brevet intitulé « procédé de détection de chute », désignant l’ingénieur comme coinventeur avec deux autres personnes.
Prétendant que ce brevet reprenait les revendications issues des travaux, effectués avec ses propres moyens, de développement du procédé de détection de chutes, contenues dans l’enveloppe Soleau qu’il avait déposée le 18 janvier 2008 à l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi), l’ingénieur a assigné la holding et son employeur pour obtenir, notamment, le transfert à son profit de la propriété de ce brevet. Les sociétés lui ayant opposé qu’il s’agissait d’une invention de mission réalisée pendant qu’il était salarié de son ancien employeur, il a demandé, subsidiairement, le paiement de la rémunération supplémentaire due à ce titre.
La cour d’appel de Paris a dit que l’invention, objet du brevet litigieux, était une invention de mission, a rejeté les demandes formées à titre principal par l’intéressé tendant au transfert de propriété de ce brevet et statué sur ses demandes subsidiaires.
Les juges du fond ont considéré que le demandeur avait réalisé ses travaux à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail avec son ancien employeur. Ils ont retenu qu’en raison de la vente de gré à gré des éléments incorporels de l’actif de la liquidation judiciaire de celui-ci, comprenant le premier brevet, le second employeur venait aux droits de l’ancien quand il a déposé le brevet litigieux, avant de le céder à la holding, selon un acte inscrit au registre national des brevets, opposable au salarié.
La Cour de cassation censure ce raisonnement au visa des articles L. 611-6 du code de la propriété intellectuelle et L. 611-7, 1, du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 94-102 du 5 février 1994. Elle rappelle en effet que « l’acquisition des éléments incorporels de l’actif d’une société, comprenant un brevet et le résultat de travaux effectués dans la continuité de ce brevet par un salarié investi d’une mission inventive qu’elle avait employé, ne confère pas au cessionnaire la qualité d’ayant droit de l’employeur, en sorte que ce cessionnaire, qui a déposé un brevet à partir de ces éléments, n’est pas fondé à opposer au salarié que l’invention, dont celui-ci est l’auteur et revendique la propriété, est une invention de mission lui appartenant ».
Par ailleurs, s’agissant de la rémunération supplémentaire demandée subsidiairement par le salarié et obtenue en appel, la Haute juridiction judiciaire casse également l’arrêt, précisant « qu’à supposer l’invention de mission caractérisée, le droit à rémunération supplémentaire du salarié ne peut être invoqué qu’à l’encontre de l’employeur et prend naissance à la date de réalisation de l’invention brevetable ».