Un homme politique a porté plainte et s’est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un particulier en raison des propos tenus par une femme politique le 11 juin 2012, lors du journal de 20 heures, diffusé en direct sur la chaîne France 2, qui l’accusait d’accueillir « sur son site les gens qui font profession d’antisémitisme ». Ces paroles faisaient allusion à des propos à caractère antisémite, tenus, dans divers médias, depuis 2003, par un compositeur grec.
Le tribunal l’ayant déclarée coupable et condamnée, la prévenue a relevé appel de cette décision.
La cour d’appel de Paris a confirmé le jugement le 18 novembre 2015.
Après avoir retenu le caractère diffamatoire des propos incriminés, les juges du fond ont relevé que la reprise, sur le site du politicien, du discours militant de l’artiste grec, ne caractérisait en rien une complaisance antisémite du premier et que les excès de langage de cet artiste apparaissaient, au vu des pièces des parties, peu connus en France, en opposition avec l’ensemble de son parcours personnel et constituer une dérive due au grand âge de l’intéressé. Au regard de l’expression « les gens », visée dans la prévention, les juges ont ajouté que cet exemple unique, dépourvu de pertinence, ne saurait justifier les propos péremptoires et dénués de prudence de la prévenue.
La Cour de cassation casse l’arrêt le 28 juin 2017 en rappelant que « la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où elles constituent des mesures nécessaires » au regard du paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
En l’espèce, les propos incriminés s’inscrivaient selon la Cour dans un débat d’intérêt général sur les relations prêtées à un homme politique, à l’occasion d’élections législatives, spécialement sur la proximité supposée entre celui-ci et un artiste connu pour son antisémitisme. Ces propos reposaient en outre sur une base factuelle, les affinités politiques entre le politicien et le compositeur étant notoires, de même que la tenue par ce dernier de propos antisémites.
Par ailleurs, il devait être tenu compte, d’une part, de ce qu’il n’était pas imputé au politicien une adhésion aux déclarations condamnables de l’artiste, d’autre part, de ce que la prévenue, femme politique et non professionnelle de l’information, s’exprimait en direct lors d’un journal télévisé et pouvait adopter un ton indéniablement polémique.
Ainsi, c’est à tort que la cour d’appel qui, pour refuser à la prévenue le bénéfice de la bonne foi, a retenu une insuffisance de base factuelle et un défaut de prudence dans l’expression.