Suite à la publication d’un guide gastronomique par une association, la société exploitante d’un des restaurants présents dans l’ouvrage assigne devant le juge des référés l’association éditrice de l’ouvrage et le directeur de la publication. Elle considère que certains passages sont dénigrants et injurieux. La société gérante du restaurant les assigne donc devant le tribunal correctionnel du chef de diffamation publique envers particuliers au visa de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881.
Dans un arrêt du 20 avril 2011, la cour d’appel de Lyon condamne l’association éditrice de l’ouvrage pour diffamation publique. L’arrêt retient que les passages litigieux visaient directement la société exploitante du restaurant et le gérant-cuisinier de l’établissement, qui étaient parfaitement identifiés. Les juges du fond ont également relevé qu’à partir d’une référence historique à la vie du roi Louis VIII, mort d’une dysenterie, le guide leur impute la mauvaise qualité des denrées consommées dans l’établissement, et ses conséquences sur la santé des clients. Ce qui caractérise, pour la cour d’appel, des allégations portant atteinte à leur honneur et à leur considération.
L’association se pourvoit donc en cassation. Elle fait valoir alors que les propos incriminés relevaient de la liberté d’expression. De plus, elle considère que les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d’un restaurant ne relèvent pas de la loi du 29 juillet 1881. Pour l’association, les propos n’étaient pas diffamatoires et se bornaient à critiquer les produits et les services du restaurant.
Le 10 septembre 2013, la Cour de cassation casse l’arrêt des juges du fond au visa de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881.
La chambre criminelle décide qu’il lui appartient de contrôler si les écrits ou discours poursuivis présentent les éléments légaux des délits de diffamation ou injures publiques tels qu’ils sont définis par la loi qui les réprime.
Elle rappelle que selon l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, la diffamation est constituée par un fait précis et déterminé portant atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne visée. Dès lors, les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d’une entreprise industrielle ou commerciale n’entrent pas dans les prévisions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, si elles ne concernent pas une personne physique ou morale.
Or, en l’espèce les appréciations litigieuses ne mettaient en cause aucune personne physique ou morale déterminée, mais seulement la qualité des prestations d’une entreprise commerciale désignée sous l’enseigne du restaurant.
La Cour de cassation ne retient pas la qualification de diffamation pour les propos litigieux du guide gastronomique.
16/10/2013