La directive 2001/29/CE relative à l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur permet aux Etats membres d’établir une exception au droit exclusif de reproduction des titulaires du droit d’auteur et des droits voisins de manière à ce que des copies privées puissent être réalisées (exception de copie privée).
Elle prévoit en outre que les Etats membres qui décident d’instaurer une telle exception dans leur droit interne sont tenus de prévoir le versement d’une « compensation équitable » au bénéfice des titulaires des droits d’auteur afin d’indemniser ces derniers de manière adéquate pour l’utilisation de leurs œuvres ou autres objets protégés.
Des importateurs/fabricants de supports de données vierges sont dans l’obligation de verser une redevance pour copie privée à une fondation, en vertu de la législation néerlandaise. Le montant de cette redevance est fixée par une autre fondation. Les importateurs de ces supports ont estimé que, lors de la fixation du montant de la redevance, la fondation n’aurait pas dû prendre en compte le préjudice susceptible d’être subi par les titulaires du droits d’auteurs du fait des copies réalisées à partir d’une source illicite. La Cour de cassation des Pays-Bas a alors interrogé la Cour de justice de l’Union européenne sur ce point.
La CJUE, dans un arrêt du 10 avril 2014, souligne que, si les Etats membres disposaient de la faculté d’adopter une législation autorisant, entre autres, la réalisation de reproductions privées à partir d’une source illicite, il en résulterait de toute évidence une atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur. De même, une promotion adéquate de la diffusion de la culture ne peut conduire à sacrifier la protection rigoureuse des droits d’auteur ni à tolérer les formes illégales de mise en circulation d’œuvres culturelles contrefaites ou piratées.
Dès lors, la Cour juge qu’une législation nationale qui n’établit aucune différence entre les copies privées réalisées à partir de sources licites et celles réalisées à partir de sources contrefaites ou piratées ne saurait être tolérée.
En effet, cela encouragerait, d’une part, la circulation des œuvres contrefaites ou piratées, ce qui diminuerait nécessairement le volume des ventes ou des transactions légales relatives aux œuvres protégées et porterait atteinte à l’exploitation normale de celles-ci. D’autre part, cela pourrait causer un préjudice injustifié aux titulaires de droits d’auteur.
Par ailleurs, la Cour rappelle qu’il appartient à l’Etat membre qui a autorisé la réalisation de copies privées d’en assurer l’application correcte et de limiter les actes non autorisés par les titulaires de droits. Or, une législation nationale qui ne fait pas la distinction entre reproductions privées licites et illicites n’est pas susceptible d’assurer une application correcte de l’exception de copie privée. La circonstance qu’il n’existe aucune mesure technique applicable pour combattre les copies illicites n’a pas d’incidence sur cette constatation.
En outre, le système de redevance doit maintenir un juste équilibre entre les droits et intérêts des auteurs et ceux des utilisateurs d’objets protégés. Or, un système de redevance pour copie privée qui, s’agissant du calcul de la compensation équitable due à ses bénéficiaires, ne différencie pas source licite et illicite ne respecte pas ce juste équilibre.
En effet, dans un tel système, le préjudice causé et, partant, le montant de la compensation équitable due aux bénéficiaires serait calculé, selon la Cour, sur la base du critère du préjudice causé aux auteurs tant par des reproductions privées réalisées à partir d’une source licite par des reproductions réalisées à partir d’une source illicite. La somme ainsi calculée serait ensuite répercutée sur le prix payés par les utilisateurs d’objets protégés au moment de la mise à disposition des supports. Ainsi, tous les utilisateurs seraient indirectement pénalisés en assumant un coût supplémentaire non négligeable.
22/04/2014