Sestimant victime dune atteinte à ses droits de la personnalité par linscription de son nom sur la liste de personnes considérées par la direction des finances slovaque comme des prête-noms, un particulier a demandé au juge slovaque dordonner à la direction des finances et à tous les bureaux des impôts et de lutte contre la criminalité financière de ne pas inscrire son nom sur la liste litigieuse ou toute autre liste similaire ainsi que de supprimer toute mention le concernant de ces listes et du système informatique de ladministration financière.
Le Najvyí súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a introduit une demande de décision préjudicielle portant sur divers aspects du litige, et notamment sur :
– l’exercice dun recours juridictionnel subordonné à l’épuisement des voies de recours administratives ;
– l’admission comme preuve d’une atteinte à ses droits de la liste de noms obtenue par le plaignant sans le consentement, légalement requis, du responsable du traitement de ces données ;
– la légalité des listes de données à caractère personnel aux fins de la perception de limpôt.
Le 27 septembre 2017, la Cour de justice de l’Union européenne répond à la lumière de la charte des droits fondamentaux de lUnion européenne et de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à légard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
Concernant une atteinte à son droit à la protection des données à caractère personnel garanti par la directive 95/46/CE, larticle 47 de la charte des droits fondamentaux de lUnion ne soppose pas à une législation nationale qui subordonne lexercice dun recours juridictionnel à lépuisement préalable des voies de recours administratives nationales, à condition que les modalités concrètes dexercice de ce voies de recours naffectent pas de manière disproportionnée le droit à un recours effectif devant un tribunal.
Lépuisement préalable des voies de recours disponibles devant les autorités administratives nationales ne doit pas entraîner de retard substantiel pour lintroduction dun recours juridictionnel, ni la suspension de la prescription des droits concernés et il ne doit pas occasionner de frais excessifs.
S’agissant de l’admission de la liste de noms comme preuve, larticle 47 de la charte des droits fondamentaux de lUnion soppose à ce quune juridiction nationale rejette, en tant que moyen de preuve dune violation de la protection des données à caractère personnel conférée par la directive 95/46, une liste de noms présentée par la personne concernée et contenant des données à caractère personnel de celle-ci, dans lhypothèse où cette personne aurait obtenu cette liste sans le consentement, légalement requis, du responsable du traitement de ces données, à moins quun tel rejet soit prévu par la législation nationale et quil respecte à la fois le contenu essentiel du droit à un recours effectif et le principe de proportionnalité.
Enfin, concernant la création de listes de données à caractère personnel aux fins de la perception de limpôt, larticle 7, sous e), de la directive 95/46 ne soppose pas à un traitement de données à caractère personnel mis en place par les autorités dun Etat membre aux fins de la perception de limpôt et de la lutte contre la fraude fiscale pour létablissement dune liste de personnes soupçonnées d’être des prête-noms, sans le consentement des personnes concernées, mais sous deux conditions cumulatives :
– que ces autorités aient été investies par la législation nationale de missions dintérêt public au sens de cette disposition, que létablissement de cette liste et linscription sur celle-ci du nom des personnes concernées soient effectivement aptes et nécessaires aux fins de la réalisation des objectifs poursuivis et quil existe des indices suffisants pour présumer que les personnes concernées figurent à juste titre sur ladite liste ;
– que toutes les conditions de licéité de ce traitement de données à caractère personnel imposées par la directive 95/46 soient satisfaites.