Le Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême, Portugal) a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), en substance, si la directive sur le droit d’auteur soppose à ce quune législation nationale prévoie loctroi aux dessins et modèles d’une protection au titre du droit d’auteur dès lors quest remplie une condition spécifique selon laquelle ceux-ci doivent, au-delà de leur objectif utilitaire, produire un effet esthétique spécifique.
En effet, le Código do Direitos de Autor e dos Direitos Conexos (code des droits dauteur et des droits voisins portugais) est imprécis à ce sujet et la question ne fait pas consensus dans la jurisprudence et la doctrine du pays.
Dans son arrêt rendu le 12 septembre 2019, la CJUE précise quun ensemble dactes de droit dérivé de lUnion met en place une protection spécifique pour les dessins et modèles, tout en prévoyant que cette protection spécifique peut sappliquer de manière cumulative avec la protection générale assurée par la directive sur le droit dauteur. En conséquence, un dessin ou un modèle peut, dans un cas donné, également être qualifié d »uvre ».
Cela étant, la Cour souligne que la protection des dessins et modèles, dune part, et la protection au titre du droit dauteur, dautre part, poursuivent des objectifs différents et sont soumises à des régimes distincts. Cela implique que loctroi dune protection, au titre du droit dauteur, à un objet déjà protégé en tant que dessin ou modèle ne doit pas porter atteinte aux finalités et à leffectivité respectives de ces deux régimes, raison pour laquelle loctroi cumulatif dune telle protection ne peut être envisagé que dans certaines situations.
Enfin, la Cour explique que leffet esthétique susceptible dêtre produit par un dessin ou modèle ne constitue pas un élément pertinent pour déterminer, dans un cas donné, si ce dessin ou modèle peut être qualifié d »uvre », dès lors quun tel effet esthétique constitue le résultat de la sensation intrinsèquement subjective de beauté ressentie par chaque personne appelée à regarder le dessin ou modèle en cause. Cette qualification exige, en revanche, de démontrer, dune part, lexistence dun objet identifiable avec suffisamment de précision et dobjectivité et, dautre part, que cet objet constitue une création intellectuelle reflétant la liberté de choix et la personnalité de son auteur.
Par conséquent, la circonstance que des modèles produisent, au-delà de leur objectif utilitaire, un effet esthétique spécifique, ne permet pas, en elle-même, de qualifier de tels modèles d »uvres ».