La société américaine A. commercialise un médicament intervenant notamment dans le traitement du virus de limmunodéficience humaine (VIH). La société A. a obtenu un brevet européen délivré par lOffice européen des brevets (OEB) le 14 mai 2003. Ce brevet a expiré le 24 juillet 2017. Au cours de lannée 2008, la société A. avait obtenu un certificat complémentaire de protection (CCP).
Plusieurs sociétés souhaitant commercialiser une version générique du médicament au Royaume-Uni ont formé un recours devant les juridictions du Royaume-Uni visant à contester la validité du CCP. Le produit faisant lobjet du CCP est composé de deux principes actifs identifiés comme étant le TD, dune part, et lemtricitabine, dautre part. Or, les revendications du brevet de base en cause ne mentionnent explicitement que le premier de ces deux principes actifs, le second étant potentiellement couvert par lexpression « autres ingrédients thérapeutiques » qui figure dans la revendication 27 du brevet. Les sociétés requérantes estimaient au contraire que lexpression « autres ingrédients thérapeutiques » ne pouvait pas faire référence à lemtricitabine. La société A. opposait cependant quil était nécessaire et suffisant que le produit en question relève du champ de protection dau moins lune des revendications du brevet de base. Or, lexpression « autres ingrédients thérapeutiques » renvoyait implicitement mais nécessairement à lemtricitabine.
Face à ces divergences, la juridiction du Royaume-Uni a adressé une question préjudicielle à la Cour de justice de lUnion européenne (CJUE) afin que celle-ci précise quels sont les critères permettant de déterminer si le produit est protégé par un brevet de base en vigueur au sens de larticle 3 a) du règlement n° 469/2009.
Dans un arrêt du 25 juillet 2018, la CJUE souligne tout dabord que larticle 3 a) du règlement ne soppose pas, en principe, à ce quun principe actif répondant à une définition fonctionnelle figurant dans les revendications dun brevet de base délivré par lOEB puisse être considéré comme étant protégé par ce brevet, à la condition toutefois que, sur la base de telles revendications, il soit possible de conclure que ces revendications visaient, implicitement mais nécessairement, le principe actif en cause et ce de manière spécifique. Ainsi, un produit ne peut être considéré comme protégé par le brevet de base en vigueur que lorsque le produit faisant lobjet du CCP est soit explicitement mentionné, soit nécessairement et spécifiquement visé, dans les revendications de ce brevet.
La CJUE rappelle ensuite que le CCP vise à compenser le retard pris dans lexploitation commerciale de linvention en raison du délai nécessaire entre la date du dépôt de la demande de brevet et celle de lobtention de la première autorisation de mise sur le marché (AMM) dans lUnion. Le CCP na donc pas pour but détendre le champ de la protection conférée par ce brevet au-delà de linvention couverte par ledit brevet. Il ne peut pas non plus être admis que le titulaire d’un brevet puisse obtenir un CCP à chaque fois quil met sur le marché dun Etat membre un médicament contenant un principe actif protégé par le brevet de base et une autre substance qui ne constitue pas lobjet de linvention couverte par le brevet de base. La CJUE conclut donc que lobjet de la protection conférée par un CCP doit se limiter aux caractéristiques techniques de linvention couverte par le brevet de base et telles que revendiquées par ce brevet.
Afin de déterminer si un produit faisant lobjet dun CCP est protégé par un brevet de base, ce produit doit pouvoir être identifié de façon spécifique par lhomme du métier à la lumière de lensemble des éléments divulgués par le brevet de base et de létat de la technique à la date de dépôt ou de priorité de ce brevet.
Ainsi, le produit doit nécessairement relever, pour lhomme du métier, à la lumière de la description et des dessins du brevet de base, de linvention couverte par ce brevet.
En lespèce, lhomme du métier, sur la base de létat de la technique à la date de dépôt ou de priorité de ce même brevet, ne semblait pas pouvoir être en mesure de comprendre en quoi lemtricitabine relevait nécessairement, en combinaison avec le TD, de linvention couverte par ce brevet. La juridiction de renvoi devra néanmoins déterminer si tel est bien le cas.
Par conséquent, un produit composé de plusieurs principes actifs ayant un effet combiné est protégé par un brevet de base en vigueur dès lors que la combinaison des principes actifs qui le composent, même si elle nest pas explicitement mentionnée dans les revendications du brevet de base, est nécessairement et spécifiquement visée dans ces revendications. À cette fin, du point de vue de lhomme du métier et selon létat de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base :
– la combinaison de ces principes actifs doit relever nécessairement, à la lumière de la description et des dessins de ce brevet, de linvention couverte par celui-ci ;
– chacun desdits principes actifs doit être spécifiquement identifiable à la lumière de lensemble des éléments divulgués par ledit brevet.