Suite aux révélations dEdward Snowden concernant lexistence de programmes de surveillance et de partage de renseignements, plusieurs personnes, journalistes ou militants dans le domaine des libertés civiles, ont contesté certains systèmes mis en place au Royaume-Uni : linterception massive de communications, le partage de renseignements avec des Etats étrangers et lobtention de données de communication auprès de fournisseurs de services de communication.
Ainsi, dans un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de lHomme (CEDH), le 13 septembre 2018, trois affaires ont été jointes. Les requérants estimaient en effet quen raison de la nature de leurs activités, leurs communications électroniques et/ou leurs données de communication ont pu être interceptées ou recueillies par les services de renseignements britanniques. Ils se plaignaient notamment dune violation des articles 8 et 10.
Concernant la violation de larticle 8 de la Convention, la Cour précise que lutilisation dun système dinterception massive nemporte pas, en soi, violation de la Convention. De tel système doivent néanmoins répondre à six exigences fondamentales formulées dans larrêt Weber et Saravia c/ Allemagne du 29 juin 2006.
La Cour constate alors que le système dinterception massive comporte quatre phases : linterception des communications, lutilisation de sélecteurs pour écarte les communications qui ne présentent pas dintérêt, les recherches sur les communications sélectionnées et lexamen par un analyste de tout ou partie des données conservées. Elle souligne ensuite que le système nest pas soumis à une surveillance indépendante adéquate. Par conséquent, ce système ne répond pas à lexigence relative à la « qualité de la loi » et il ne permet pas de sen tenir à des ingérences « nécessaires dans une société démocratique ». Il y a donc violation de larticle 8 de la Convention.
Pour le système dacquisition de données auprès de fournisseurs de services de communication, les requérants alléguaient que la loi britannique autorisait un large éventail dorganes publics à demander laccès à des données de communication auprès dentreprises de communication dans des conditions mal définies. La CEDH observe alors que, selon le droit de lUnion européenne, tout système permettant laccès à des données détenues par des fournisseurs de services de communication doit se limiter à un objectif de lutte contre le crime et laccès doit être soumis au contrôle préalable dun tribunal ou dun organe administratif indépendant. Elle constate ensuite que ce système est dépourvu de ces garanties. Par conséquent, il viole larticle 8 de la Convention.
Enfin, la Cour considère que la procédure permettant de demander linterception ou la transmission déléments interceptés auprès de services de renseignements étrangers est détaillée de façon suffisamment claire dans le droit interne. De nombreuses exigences doivent être remplies et aucune défaillance importante ni aucun abus nont été rapportés. Par conséquent, il ny a pas de violation de larticle 8.
Concernant larticle 10 de la Convention, la CEDH signale que pour le régime dinterception massive de communications, labsence de toute garantie publique quant aux conditions dans lesquelles des informations journalistiques confidentielles peuvent être sélectionnées pour examen et quant à la protection de la confidentialité lorsque ces informations ont été sélectionnées est particulièrement préoccupante. Compte tenu de leffet dissuasif que cela pourrait avoir sur les journalistes, la liberté de la presse est menacée. Il y a donc violation de larticle 10.
Pour le système de demandes de données auprès de fournisseurs de services de communication, la Cour signale que les garanties pertinentes ne sappliquent que lorsquune telle demande tend à la divulgation de lidentité de la source dun journaliste mais pas dans tous les cas où il y a une demande portant sur les données de communication dun journaliste. De plus, il ny a pas de dispositions particulières restreignant laccès au cas où le but poursuivi est la lutte contre le crime. Par conséquent, la Cour conclut également à la violation de larticle 10.