Un ressortissant turc, détenu dans un centre pénitentiaire en Turquie, a déposé une ébauche manuscrite de roman auprès de ladministration pénitentiaire, demandant quelle soit envoyée à son avocat pour la remettre à sa famille en vue de sa publication. Le président de la commission pénitentiaire chargée de la lecture de la correspondance des détenus a établit un rapport selon lequel le texte soutenait une organisation illégale, insultait les forces de lordre et utilisait un langage abusif et inapproprié et a renvoyé le texte à la commission disciplinaire de ladministration pénitentiaire, laquelle décida de le saisir.
Le requérant a saisi le juge de lexécution dune demande en annulation de cette décision, indiquant quil sagissait dun roman fictif, mais sa demande fut rejetée. Par ailleurs, lorsquil a remis à ladministration pénitentiaire une lettre destinée à son avocat, accompagnée de la décision du juge de lexécution et de lopposition formée contre cette décision, celle-ci fut saisie par ladministration pénitentiaire et la demande en annulation introduite contre cette décision fut rejetée.
Le détenu a alors invoqué devant la Cour européenne des droits de lHomme (CEDH) la violation de son droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion et de sa liberté dexpression.
Dans une décision du 23 mai 2017, la CEDH relève tout dabord que la commission disciplinaire na invoqué expressément aucun fondement légal pour ordonner la saisie du manuscrit, précisant seulement que le texte en question contenait des mots et phrases gênants. Or la CEDH rappelle que la règlementation relative au contrôle de la correspondance des détenus, qui ne définit pas ce quil convient dentendre par « gênant », ne peut répondre à lexigence de prévisibilité.
Ensuite, la Cour soulève que la commission de lecture sest fondée sur une circulaire relative aux relations des détenus avec lextérieur qui fait référence à un règlement relatif à la direction des établissements pénitentiaires, dont les juges euroépens avaient déjà constaté linsuffisance de clarté quant à létendue et aux modalités du pouvoir dappréciation des autorités dans le domaine en cause, et dont lapplication pratique napparaissait pas pallier cette carence.
A ce titre, la CEDH estime que lingérence litigieuse nétait pas prévue par la loi au sens du paragraphe 2 de larticle 10 de la Convention et conclut à la violation de cet article.