En mars 2010, un journaliste suisse animateur de bulletin météo très connu a été arrêté et placé en détention provisoire, soupçonné de viol aggravé et de coups et blessures sur son ex-compagne.
Le 21 juillet 2010, le quotidien allemand à grand tirage « Bild », ainsi que son portail internet, ont publié un article accompagné de deux photos dont lune représentait le journaliste assis torse nu dans la cour dune prison parmi dautres détenus.
Acquitté à l’issue d’un procès pénal très médiatisé, le journaliste a saisi le tribunal régional de Cologne dune demande tendant à linterdiction de toute nouvelle publication de la photo litigieuse.
En juin 2011, le tribunal a interdit à l’éditeur et au gestionnaire du site du quotidien de publier ou de diffuser la photo litigieuse.
La cour dappel de Cologne a rejeté leurs appels, estimant que la publication et la diffusion de la photo étaient illicites faute davoir obtenu le consentement de la personne représentée et du fait de labsence de lien entre la photo et un événement de lactualité. Les juges ont ajouté que quand bien même on reconnaîtrait à la photo une valeur informative, il fallait tenir compte du fait quau moment de la prise de la photo, le prévenu se trouvait en un lieu disolement non accessible au public et quil navait dès lors aucune raison de sattendre à être photographié. Le fait que le journaliste avait longtemps été lobjet de reportages dans les médias ne le privait pas de la protection de sa sphère privée alors quil se trouvait dans des lieux disolement.
Les pourvois en cassation ayant été refusés, les sociétés ont saisi la Cour constitutionnelle fédérale de deux recours constitutionnels que la Cour constitutionnelle fédérale n’a pas admis.
Invoquant larticle 10 de la Convention EDH (liberté dexpression), les requérants se sont plaint que les juridictions allemandes aient méconnu leur droit à la liberté dexpression et quelles naient pas respecté les critères que la Cour aurait établis dans les affaires impliquant une mise en balance des articles 8 (droit au respect de la vie privée) et de larticle 10.
Dans son arrêt rendu le 10 janvier 2019, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) relève, s’agissant de la question de la contribution de la photo litigieuse à un débat dintérêt général, que pour les juridictions civiles, la photo ne présentait pas de valeur informative supplémentaire par rapport au texte de larticle, ni par elle-même, ni par rapport au contexte de la publication de larticle. La cour dappel a notamment estimé que la détention provisoire de l’animateur était un fait connu du public depuis longtemps et quil ny avait aucun motif den rendre compte de nouveau.
La CEDH note que les juridictions allemandes ont accordé un poids considérable aux circonstances dans lesquelles la photo avait été prise, en l’espèce de manière subreptice dans un endroit non accessible au public.
S’agissant de la sanction infligée aux sociétés requérantes, la Cour observe que les juridictions se sont bornées à prononcer une interdiction de publier ou de diffuser à nouveau la photo litigieuse et une obligation de rembourser un montant modeste de frais davocat.
Dès lors, la CEDH estime que les juridictions allemandes ont dûment mis en balance le droit à la liberté dexpression des requérantes avec le droit du présentateur de télévision au respect de sa vie privée.