Un éditeur croate, ayant critiqué un juge, et qui a été par la suite condamné pour diffamation par les juridictions nationales, a formé une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Il a invoqué l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, estimant que la conclusion du juge interne selon laquelle il avait diffamé un juge n’était pas justifiée et que le montant des dommages-intérêts auxquels il a été condamnée était excessif.
Dans un arrêt du 8 novembre 2018, la Cour européenne des droits de l’Homme rappelle tout d’abord que l’article 10 de la convention ne laisse guère de place pour des restrictions au débat sur des questions d’intérêt public, comme par exemple des remarques sur le fonctionnement de la justice. Elle estime donc que l’article en question, qui mettait en cause un comportement considéré comme inapproprié pour un juge, à savoir se rendre à une fête organisée par un homme d’affaires local controversé et délivrer un mandat de perquisition injustifié, concernait une question d’intérêt public.
Ensuite, elle ajoute que la critique exprimée au moyen d’expressions telles que « descente d’un troupeau de policiers » et « devrait être mis au pilori », bien que caustique, n’était pas insultante. Employer un ton caustique en parlant d’un juge n’est pas en principe incompatible avec le droit à la liberté d’expression garanti par la Convention.
Enfin, la Cour juge difficile d’admettre que l’atteinte à la réputation du juge ait été grave au point de justifier les dommages-intérêts. Pour mettre les choses en perspective, le montant prononcé constitue les deux tiers de ce que les juridictions croates accordent normalement pour le préjudice moral causé par la mort d’un frère ou d’une sur. Ce montant exorbitant risque, aux yeux de la Cour, de décourager le libre débat sur des questions d’intérêt public. L’ingérence dans la liberté d’expression de la société requérante n’était donc pas « nécessaire dans une société démocratique » et a violé l’article 10.