En novembre 2008, lors du séminaire tenu par la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X à Zaitzkofen, en Allemagne, un journaliste suédois a interviewé un évêque britannique, ancien membre de cette fraternité. Lors de cette interview, diffusée dans une émission de télévision suédoise, l’évêque a déclaré quil croyait quil ny avait pas eu de chambres à gaz sous le régime nazi.
Les juridictions allemandes ont condamné l’évêque pour incitation à la haine au paiement d’une amende de 1.800 . Les juges ont considéré quen niant lexistence des chambres à gaz sous le régime nazi et le fait que des Juifs aient été tués dans ces chambres à gaz, l’intéressé sétait rendu coupable de négation dactes de génocide commis sous le régime national-socialiste. Les appels de l’évêque ayant été rejetés, il a introduit un recours constitutionnel, que la Cour constitutionnelle fédérale a refusé dexaminer.
Invoquant larticle 10 de la Convention EDH (liberté dexpression), le requérant arguait en particulier que le droit allemand nétait pas applicable à ses propos car linfraction avait selon lui été commise non en Allemagne mais en Suède, pays où un tel discours nétait pas pénalement répréhensible. Il ajoutait quil navait jamais voulu que ses propos soient diffusés en Allemagne et quil avait au contraire fait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher cela.
Dans son arrêt rendu le 31 janvier 2019, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) ne voit aucune raison de ne pas souscrire à l’appréciation des juridictions allemandes selon laquelle le déni et la minimisation du génocide des Juifs exprimés par le requérant avaient porté atteinte à la dignité des victimes de ce génocide et quils étaient de nature à troubler gravement la paix publique en Allemagne, d’autant plus que l’évêque ne sest pas distancié de ces propos et na pas allégué que les juges allemands les avaient mal compris. Le droit à la liberté dexpression a ainsi été utilisé en l’espèce dans le but de promouvoir des idées contraires à la lettre et à lesprit de la Convention.
La CEDH juge également que c’est à bon droit que les juges allemands ont retenu que le requérant avait agi en toute connaissance de cause étant donné que lorsquil avait donné linterview en cause, il comprenait et admettait que ses propos étaient susceptibles dêtre remarqués dans le monde entier, et en particulier en Allemagne compte tenu de lhistoire du pays et que le pape de lépoque, Benoît XVI, était allemand.
De même, lappréciation des faits qui a conclu que linfraction avait été commise en Allemagne, est acceptable, en particulier parce que le principal élément constitutif de linfraction, linterview, a eu lieu dans le pays.
La CEDH observe enfin que la sanction infligée au requérant est très clémente. Elle conclut que les autorités internes ont justifié leur décision par des motifs pertinents et suffisants et quelles nont pas outrepassé leur marge dappréciation. Lingérence litigieuse était donc proportionnée au but légitime poursuivi, et elle était « nécessaire dans une société démocratique ».