La Cour européenne des droits de lHomme (CEDH) a été saisie le 28 août 2006 par un ressortissant australien, travaillant pour journal australien et pour une librairie de diffusion de livres chrétiens. Après avoir répondu à une annonce proposant de recevoir des livres gratuitement, il a été contacté pour un entretien par les producteurs d’une émission afin de discuter de la religion chrétienne. Au cours de cet entretien, une présentatrice a fait irruption avec un micro et une caméra cachée pour linterroger sur ses activités personnelles. Il a ensuite été arrêté, placé en garde à vue, puis poursuivi pour insulte envers Dieu et lIslam.
Quelque temps après, le requérant est apparu, non flouté, dans le reportage dune émission télévisée sur les activités secrètes menées en Turquie par des « marchands de religion étrangers ».
Il a alors introduit une action contre la présentatrice et les producteurs mais le tribunal de grande instance l’a débouté au motif quil existait un intérêt à informer le public.
Le requérant estime que la diffusion de ce reportage a porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée, garanti par larticle 8 de la Convention Européenne des Droits de lHomme. Il allègue aussi une violation de son droit à un procès équitable, de son droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion et de sa liberté dexpression, garantis par les articles 6,9 et 10 de la Convention.
Dans une décision du 13 octobre 2015, la CEDH reconnait la violation du droit au respect de la vie privée garanti par larticle 8 de la Convention mais écarte celle des articles 6, 9 et 10 de la Convention.
Tout dabord, la Cour observe que « le reportage concernait le prosélytisme religieux, qui est indéniablement un sujet dintérêt général ».
Elle relève néanmoins que lutilisation des termes « marchand de religion » dans le reportage était « critique et offensant ».
La Cour considère ensuite que lusage de la caméra cachée est une technique « intrusive et attentatoire à la vie privée » devant en principe être restreint.
Concernant léquilibre entre le droit à la liberté dexpression et le droit à la vie privée, la Cour précise que le requérant ne sest pas lui-même exposé au public. Il a été filmé en caméra cachée, et pensait sadresser à de simple particuliers.
Dès lors, la Cour « ne discerne aucun élément pouvant expliquer les éventuelles raisons dintérêt général » pour lesquelles les journalistes ont diffusé son image « sans voilage ou floutage ».
Enfin, la CEDH relève que les juridictions internes « ne semble pas avoir procédé à l’évaluation de la contribution au débat dintérêt général de la diffusion de limage non floutée » du requérant. De ce fait, elle considère que les juridictions turques nont « pas établi un juste équilibre entre les intérêts en conflit et ne lui ont pas assuré une protection suffisante et effective de son droit à limage et par conséquent de sa vie privée ».
La Cour conclue donc à la violation de larticle 8 de la Convention et condamne la Turquie à verser au requérant 7.500 euros pour dommage moral.