Laffaire concerne des allégations de violence conjugale et de violation du secret de la correspondance électronique par lex-époux de la requérante qui dénonçait des défaillances dans le système de protection des victimes de violences de ce type.
Dans un arrêt du 11 février 2020, la Cour européenne des droits de l’Homme précise que la cyberviolence est reconnue comme un aspect de la violence à lencontre des femmes et des filles et peut se présenter sous diverses formes dont les violations informatiques de la vie privée, lintrusion dans lordinateur de la victime et la prise, le partage et la manipulation des données et des images, y compris des données intimes.
Dans le contexte de la violence domestique, la cybersurveillance est souvent le fait des partenaires intimes.
Par conséquent, la Cour accepte largument de la requérante selon lequel des actes tels que surveiller, accéder à ou sauvegarder sans droit la correspondance du conjoint peuvent être pris en compte lorsque les autorités nationales enquêtent sur des faits de violence domestique.
En lespèce, la plainte pénale de la requérante pour violation du secret de la correspondance na pas été examinée sur le fond par les autorités internes. Sa demande de perquisition électronique de lordinateur de la famille a été rejetée au motif que les éléments susceptibles dêtre recueillis de cette façon étaient sans rapport avec les infractions de menaces et de violences reprochées à lex-époux. Sa plainte pénale déposée pour violation du secret de la correspondance a été rejetée pour tardiveté.
Pour la Cour, en procédant ainsi, les autorités de lenquête ont fait preuve dun formalisme excessif, dautant plus que le nouveau code pénal permettait la saisine doffice des autorités denquête dans le cas dinterception sans droit dune conversation effectuée par tout moyen électronique de communication, la condition dune plainte préalable étant prévue seulement pour louverture, la soustraction, la destruction ou la rétention sans droit de la correspondance adressée à autrui.
En outre, le tribunal de première instance a jugé que la plainte de la requérante relative à la violation alléguée du secret de la correspondance était sans rapport avec lobjet de laffaire et les données publiées sur les réseaux sociaux étaient publiques.
Or, de telles allégations appellent de la part des autorités un examen sur le fond afin de pouvoir appréhender de manière globale le phénomène de violence conjugale dans toutes ses formes. En effet, la requérante a allégué que son ex-époux avait abusivement consulté ses comptes électroniques, dont son compte Facebook, et quil avait fait des copies de ses conversations privées, de ses documents et de ses photos.
La Cour en déduit que la requérante faisait référence à un ensemble de données et de documents électroniques qui nétaient pas limités aux données quelle aurait publiées sur les réseaux sociaux.
Par conséquent, la conclusion du tribunal de première instance selon laquelle les données en cause étaient publiques est problématique dans la mesure où les autorités nationales nont pas procédé à un examen sur le fond des allégations de lintéressée pour pouvoir qualifier la nature des données et des communications visées.
La Cour conclut donc que les allégations de la requérante selon lesquelles son ex-époux avait abusivement intercepté, consulté et sauvegardé ses communications électroniques nont pas été examinées sur le fond par les autorités nationales. Celles-ci nont pas procédé à des actes de procédure afin de recueillir des preuves permettant détablir la réalité des faits ou leur qualification juridique. Les autorités ont donc fait preuve dun formalisme excessif en écartant tout rapport avec les faits de violence conjugale que la requérante avait déjà portés à leur attention, et ont ainsi failli à prendre en considération les diverses formes que peut prendre la violence conjugale.
Il y a donc eu manquement aux obligations positives de lEtat au regard des articles 3 et 8 de la Convention EDH et violation de ces dispositions.