CEDH : contraindre une journaliste à témoigner sur ses contacts avec sa source constitue une atteinte à la liberté d’expression

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Une journaliste d’un quotidien avait été sommée de témoigner dans le procès pénal de l’une de ses sources, M. X., accusé de manipulations boursières.
M. X. avait confirmé à la police qu’il était à la source d’un article écrit par elle au sujet de la situation financière prétendument mauvaise de la Société pétrolière norvégienne.
Le cours de l’action de la société chuta après la publication de l’article.
M. X. fut ultérieurement inculpé pour s’être servi de la journaliste à des fins de manipulation du marché financier.
Celle-ci n’accepta de témoigner à aucun des stades du procès de M. X., et les tribunaux la sommèrent de témoigner sur ses contacts avec lui, au motif qu’il n’y avait plus aucune source à protéger étant donné qu’il s’était dévoilé.
Les tribunaux estimèrent également que le témoignage de la journaliste les aurait grandement aidés à faire la lumière sur l’affaire.
M. X. fut ultérieurement reconnu coupable des faits qui lui étaient reprochés, avant que ne soit prononcée la décision définitive sur l’obligation de témoigner.

Dans son arrêt de chambre rendu le 5 octobre 2017, la Cour européenne des droits de l’Homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention EDH.

La Cour a jugé que son contrôle était surtout axé sur la question de savoir si le témoignage de la journaliste était nécessaire au cours de l’enquête pénale ainsi qu’ultérieurement, dans le procès de sa source.
Elle a souligné que le refus de la journaliste de dévoiler sa source (ou ses sources) n’avait à aucun moment entravé le déroulement de l’enquête ou du procès de M. X. En effet, la juridiction de première instance qui avait prononcé le verdict de culpabilité avait été avisée par le procureur qu’aucune demande de renvoi (en instance de la décision définitive sur l’obligation de témoigner) n’avait été faite parce que le dossier était suffisant en l’état, même en l’absence du témoignage de la journaliste.
Il faut rappeler aussi que les méthodes journalistiques n’avaient jamais été mises en doute et qu’elle n’avait été accusée d’aucune activité illégale.
De plus, son droit, en qualité de journaliste, à la confidentialité de ses sources ne pouvait être automatiquement écarté à raison du comportement ou de la révélation de l’identité d’une source.

La Cour n’était donc pas convaincue que l’injonction faite à la journaliste de témoigner eût été justifiée, que ce soit par les circonstances de l’espèce ou par les raisons avancées.