Un survivant de lholocauste, alors âgé de 96 ans, se plaignait davoir été diffamé par un périodique de droite et de ce que les juridictions internes naient pas protégé son droit à sa réputation.
Dans un arrêt du 10 octobre 2019, la Cour européenne des droits de l’Hommes rappelle sa jurisprudence selon laquelle la vie privée de chaque membre dun groupe peut être touchée par des stéréotypes négatifs ou des propos diffamatoires.
Elle constate tout dabord que le requérant et les autres anciens prisonniers de Mauthausen, en tant que survivants de lholocauste, constituent un groupe social. Elle estime donc que, si le requérant nétait pas désigné nommément dans larticle, laffaire relève de sa vie privée et que larticle 8 de la Convention est applicable.
Se fondant sur la jurisprudence interne antérieure, la juridiction de première instance a conclu que le nombre de prisonniers libérés était trop important pour permettre didentifier le requérant, si bien quil navait pas qualité pour la saisir et ce, alors même que les tribunaux navaient jamais statué auparavant sur la question très particulière du préjudice causé par des propos sur un groupe de personnes dont la taille avait considérablement diminué avec le temps, comme ici.
La cour dappel na pas du tout analysé la question de la qualité pour ester, alors que le requérant avait présenté des arguments très détaillés. De ce fait, les tribunaux nont jamais examiné ce qui était au cur de ses prétentions, à savoir quil avait été personnellement touché et diffamé par les propos parce que seule une poignée de membres du groupe était encore en vie. Les tribunaux nont pas non plus justifié leurs conclusions par des motifs pertinents et suffisants.
Le tribunal de première instance a également conclu que larticle de 2016 ne faisait que relater
lenquête préliminaire conduite sur larticle de 2015 et que les propos tenus dans le second article navaient aucune portée diffamatoire distincte. Il na nulle part indiqué comment il était parvenu à cette conclusion, alors quil sagissait dun point qui appelait une analyse détaillée.
La cour dappel, quant à elle, a expressément relevé labsence de motivation du jugement de
première instance, mais elle en a pourtant ensuite partagé les conclusions.
Pour sa part, la Cour nest pas convaincue par les conclusions selon lesquelles le requérant et les autres demandeurs nauraient pas pu être personnellement touchés par le second article parce que le contexte des deux articles aurait été très différent. Le premier article sintéressait à lévénement historique que constituait la libération du camp de Mauthausen, tandis que le second concernait lenquête pénale visant lauteur des propos. Il aurait donc fallu que les juridictions internes exposent de manière détaillée les raisons de linterprétation retenue par eux.
La Cour en conclut que les juridictions internes nont jamais réellement analysé ce qui était au cur de laction en diffamation formée par le requérant parce quelles nont pas minutieusement examiné la question de la qualité pour agir et la question de savoir si les propos en cause avaient la même portée ou une portée distincte au regard de larticle de 2016.
Les tribunaux nont donc pas minutieusement examiné le problème qui avait porté atteinte au droit du requérant au respect de sa vie privée, emportant violation procédurale de larticle 8.