A la suite de la publication dans un quotidien polonais d’un article dans lequel il était allégué qu’ils avaient fait fortune en assistant des hommes politiques pour des transactions commerciales douteuses, deux avocats ont intenté une action en diffamation contre les journalistes auteur de l’article et travaillant le quotidien en question. Ils ont obtenu gain de cause, la justice polonaise estimant en particulier que les allégations des journalistes étaient largement fondées sur des ragots et des rumeurs et qu’ils n’avaient pas pris les mesures minimales nécessaires pour vérifier les informations.
Après s’être rendu compte que l’article litigieux était toujours disponible sur le site internet du journal, les avocats ont alors engagé une nouvelle procédure contre le journal dans laquelle ils demandèrent une décision ordonnant le retrait de l’article du site. Leur demande a été rejeté au motif qu’une injonction de retrait de l’article du site internet constituerait une censure, mais le tribunal a néanmoins indiqué que, si les requérants avaient demandé une décision ordonnant l’ajout à l’article figurant sur internet d’une note ou d’un lien informant les lecteurs des jugements rendus dans la procédure en diffamation initiale, il aurait procédé à un examen sérieux de cette demande. Le jugement a été confirmé par la cour d’appel de Varsovie.
Saisie du litige, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), dans un arrêt du 16 juillet 2013, retient que dans le cadre de la première procédure civile, les avocats n’ayant pas formulé de demande concernant la présence de l’article litigieux sur internet, les tribunaux nationaux n’avaient donc pas pu statuer sur cette question.
Concernant la seconde procédure, la Cour observe que les requérants ont eu la possibilité de faire examiner leur demandes par un tribunal, en jouissant de toutes les garanties procédurales. Elle admet que ce n’est pas le rôle des autorités judiciaires de réécrire l’histoire en ordonnant le retrait du domaine public de toute trace de publications passées qui, par des décisions judiciaires définitives, ont été jugées constituer des atteintes injustifiées à la réputation d’individus.
En outre, l’intérêt légitime du public à l’accès aux archives électroniques publiques de la presse est protégé par l’article 10 de la Convention. Il importe de noter que les juridictions polonaises ont indiqué qu’il serait souhaitable d’ajouter à l’article figurant sur le site internet du journal un commentaire informant le public de l’issue de la première procédure. Pour la Cour, cela démontre que les tribunaux internes étaient conscients de l’incidence que pouvaient avoir les publications sur internet sur la protection effective des droits des individus et de l’importance qu’il y avait à diffuser des informations complètes sur des décisions judiciaires concernant un article litigieux mis en ligne sur le site internet du journal. Or les requérants n’ont pas demandé l’ajout à l’article litigieux d’une référence aux jugements rendus en sa faveur.
22/11/2013