Sur le point d’accoucher, une femme enceinte a été admise à l’hôpital militaire de Kirov en Russie, où elle aurait à cette occasion reçu une brochure informant les patients qu’ils seraient susceptibles d’être appelés à participer au programme de formation clinique de l’hôpital.
Souffrant de complications et épuisée, elle s’est fait administrer des narcotiques à deux reprises avant qu’on lui aurait indiqué que son accouchement aurait lieu le lendemain et que des étudiants en médecine y assisteraient. Elle a effectivement accouché le lendemain devant des étudiants en médecine, informés de son état de santé et du traitement qu’elle suivait.
Plus tard, la mère a saisi le tribunal de district de Vyborg d’une demande en réparation du préjudice résultant de la présence non autorisée de tiers lors de son accouchement, mais son recours a été rejeté au motif que la loi alors en vigueur ne subordonnait pas la présence d’étudiants au consentement de la patiente.
Après la confirmation du jugement en appel, l’intéressée a finalement saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) du chef de la violation de l’article 8 de la Convention garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale.
La Cour rend son arrêt de chambre le 9 octobre 2014 et considère d’abord la naissance de l’enfant de la requérante comme un événement suffisamment délicat pour que la présence d’étudiants ayant eu accès à des informations médicales confidentielles puisse être analysée comme une ingérence dans la vie privée.
Si, eu égard à la législation russe de l’époque, cette ingérence était légale, cette loi, poursuit la Cour, visait surtout à la formation des étudiants en médecine dans un caractère général et ne contenait aucune disposition protectrice de la vie privée des patients. De plus, la brochure litigieuse faisait vaguement état de la participation des étudiants et était présentée comme obligatoire de sorte que la requérante ne pouvait y opposer son refus.
Jugeant la procédure de droit interne peu diligente, en ce qu’elle a notamment rejeté l’action civile de la requérante sans tenir compte de l’insuffisance des informations contenues dans la brochure ni de la vulnérabilité de la patiente, la CEDH conclut que la présence d’étudiants en médecine lors de la naissance de l’enfant de la requérante n’était pas prévue par la loi et qu’il y a eu, partant, violation de l’article 8 de la Convention.
30/10/2014