L’acteur Bruno Crémer avait assigné une société d’éditions à laquelle il reprochait d’avoir publié deux albums de bandes dessinées intitulés « Crémèr et le maillon faible de Sumatra » puis « Crémèr et l’enquête intérieure », qui renvoyaient au rôle du commissaire Maigret qu’il a joué dans 54 téléfilms. Suite à son décès, sa veuve et ses filles ont repris l’instance.
La cour d’appel de Paris a condamné la société à des dommages-intérêts relativement aux droits de Bruno Crémer sur ses nom, image, vie privée et à l’utilisation abusive et mercantile de sa notoriété, mais a toutefois rejeté les demandes concernant l’atteinte à ses droits d’artiste-interprète et la condamnation à cesser toute diffusion et publicité des deux publications.
Sa veuve et ses filles se pourvoient alors en cassation et invoquent en substance que la parodie ne peut valablement constituer une exception au monopole de l’artiste-interprète sur son interprétation que pour autant qu’elle ne dépasse pas les lois du genre, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
Le 10 septembre 2014, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
En effet, si, comme l’ont relevé les juges d’appel, les bandes dessinées litigieuses utilisent, clairement et sans nécessité, sans son autorisation et à ses dépens, le nom, la corpulence et les traits de Bruno Crémer, comédien devenu l’incarnation du commissaire Maigret aux yeux du public par son interprétation dans les nombreux épisodes de la série télévisée et donnent du « commissaire Crémèr » une image particulièrement ridicule et dévalorisante, notamment du fait des situations dans lesquelles il se retrouve, de sa nudité affichée, de son manque de compétence ou encore des idées qui lui sont attribuées, leur lecture montre que l’intention des auteurs n’a pas été d’offrir une version dégradée de l’interprétation qu’assumait avec application et sérieux Bruno Crémer et d’avilir le jeu de l’acteur, mais de tirer parti du décalage entre les enquêtes fictives du « commissaire Crémèr » et l’interprétation que le public avait coutume de voir lors de la diffusion de la série télévisée, la parodie se révélant substantiellement différente de l’interprétation parodiée.
Sont alors remplies les deux conditions de finalité humoristique et d’absence de risque de confusion, telles qu’elles résultent de l’article L. 211-3, 4° du code de la propriété intellectuelle, si bien que les juges du fond ont légalement justifié leur décision.
28/10/2014