La société M. est propriétaire d’un brevet européen intitulé « traitement de l’alopécie androgène par des inhibiteurs de la 5-alpha-réductase ».
La société T., de droit israélien, et sa filiale française ont assigné la société M. sur le fondement des articles L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle et des articles 53 c), 54, 56 et 138 de la convention de Munich sur le brevet européen pour défaut de nouveauté et insuffisance de description et pour défaut d’activité inventive.
Dans un arrêt du 30 janvier 2015, la cour d’appel de Paris a prononcé la nullité de la partie française du brevet dont la société M. elle est titulaire pour insuffisance de description.
Lorsqu’une revendication porte sur une application thérapeutique ultérieure d’une substance ou d’une composition, l’obtention de cet effet thérapeutique est une caractéristique technique fonctionnelle de la revendication, de sorte que si, pour satisfaire à l’exigence de suffisance de description, il n’est pas nécessaire de démontrer cliniquement cet effet thérapeutique, la demande de brevet doit toutefois refléter directement et sans ambiguïté l’application thérapeutique revendiquée, de manière que l’homme du métier comprenne, sur la base de modèles communément acceptés, que les résultats reflètent cette application thérapeutique.
D’abord, les juges du fond ont relevé qu’en ce qui concerne la revendication 1, qui protège l’utilisation du finastéride pour préparer un médicament afin de traiter l’alopécie androgène chez un homme ou une femme, administré par voie orale selon un certain dosage, la description n’indique pas quel est l’avantage ou l’effet technique résultant de ce type d’administration orale, elle ne contient aucun élément démontrant l’efficacité potentielle du moindre dosage du finastéride, et ne comporte aucune information sur l’effet nouveau de la posologie revendiquée et les propriétés particulières de cette nouvelle application thérapeutique, la posologie comprise entre 0,05 et 1,0 mg étant indifférente par rapport à la fréquence d’administration et à la masse corporelle du patient.
Ensuite, ils ont relevé que la description du brevet ne mentionne que la découverte « surprenante et inattendue » de cette nouvelle application thérapeutique, sans décrire les propriétés pharmacologiques particulières de celle-ci par rapport à l’état de la technique, qui ne proviennent que d’un choix arbitraire.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de la société M., le 6 décembre 2017.
Elle estime que, de ces constatations, la cour d’appel a pu déduire que la demande de brevet ne reflétait pas directement et sans ambiguïté les applications thérapeutiques revendiquées et que, dans l’ignorance d’un quelconque enseignement technique spécifique, l’homme du métier n’était pas en mesure de reproduire l’invention et se trouvait contraint de mettre en oeuvre un programme de recherches par lui-même, de sorte que la revendication 1 était insuffisamment décrite, de même que la revendication 2, laquelle est une utilisation dépendante de la revendication 1 dans laquelle la posologie est de 1,0 mg, et la revendication 3, dépendante des revendications 1 et 2, dans laquelle le traitement est celui de l’alopécie hippocratique.
Par ailleurs, s’agissant des exemples mentionnés dans la description du brevet, l’arrêt a écarté les exemples 1 et 2, qui concernent la préparation du finastéride dont le procédé de fabrication était déjà connu depuis plusieurs années, et l’exemple 3, qui ne concerne pas l’alopécie androgène.
Les juges du fond ont relevé que l’exemple 4 divulgue un mode opératoire photographique pour détecter par comptage la croissance des cheveux sur une durée de douze mois et retient que, ne donnant aucun renseignement sur les conditions d’un éventuel test et ne décrivant pas l’expérimentation ni l’effet technique résultant de la diminution de la dose revendiquée par rapport aux dosages de l’art antérieur, cet exemple apparaît comme une méthode de mesure et ne peut être considéré comme le compte-rendu d’un essai.
Ils ont également relevé que l’exemple 5 ne donne aucun détail de l’expérimentation ou du protocole appliqué lors de l’administration du finastéride pendant six semaines, dont les résultats ont montré une réduction importante de la teneur en DHT mais n’ont pas établi une repousse des cheveux ou un arrêt de leur perte.
La cour d’appel a retenu qu’en l’absence de tout critère de comparaison, cependant que la diminution des niveaux de DHT dans le cuir chevelu provoqué par l’administration de finastéride était déjà connue, cet exemple ne permet pas de comparer les effets du dosage revendiqué par rapport à une posologie supérieure, de l’ordre de 5 mg, comprise dans l’état de la technique.
La Cour de cassation considère qu’en cet état, c’est sans dénaturer le brevet ni exiger une démonstration clinique de l’effet thérapeutique de la nouvelle posologie que la cour d’appel a considéré que ces exemples, ne reflétant pas directement et sans ambiguïté l’application thérapeutique revendiquée, ne pouvaient remédier à l’insuffisance de description de celle-ci.