Deux jeunes hommes lituaniens qui entretenaient une relation ont publié sur le réseau social Facebook une photographie sur laquelle ils sembrassaient. Le cliché est devenu « viral » et a donné lieu à des centaines de commentaires, appelant pour la plupart à « castrer », « tuer », « exterminer » ou « brûler » les intéressés en raison de leur homosexualité.
Ces derniers ont alors demandé à une association de défense des droits des personnes LGBT dont ils étaient membres de saisir le parquet afin que celui-ci ouvre une enquête pénale pour incitation à la haine et à la violence contre des personnes homosexuelles.
Le parquet a toutefois décidé de ne pas ouvrir denquête, considérant que les auteurs des commentaires sétaient bornés à « exprimer leur opinion ». Les juridictions internes se sont conformés à cette position en retenant que les plaignants sétaient comportés de manière « excentrique » et délibérément provocante, dans un pays où « les valeurs familiales traditionnelles étaient très appréciées ».
Dénonçant une discrimination à raison de leur orientation sexuelle, les jeunes gens ont saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), invoquant larticle 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec larticle 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention EDH.
Dans son arrêt rendu le 14 janvier 2020, la CEDH considère quil ne fait aucun doute que les commentaires litigieux ont porté atteinte au bien-être psychologique et à la dignité des requérants.
Elle est en désaccord avec le gouvernement lituanien qui, tout en reconnaissant le caractère « offensant et vulgaire » de ces commentaires, nie que lhomosexualité des requérants ait joué un rôle dans la manière dont ceux-ci ont été traités par les autorités. Pour le gouvernement, les autorités ont jugé provoquant le comportement des requérants au motif, notamment, que l’un d’entre eux portait sur la photographie un pull orné dune croix et que cela aurait pu déclencher un conflit avec des personnes de cultures ou de religions différentes et ont considéré par ailleurs que les commentaires en question navaient pas atteint un degré de gravité tel quils pouvaient sanalyser en une infraction pénale.
Or, selon la Cour, en concentrant leur attention sur ce quelles considéraient comme un « comportement excentrique » de la part des requérants, les juridictions pénales ont expressément fait référence dans leurs décisions à lorientation sexuelle des intéressés. Ainsi, lorsquelles ont refusé douvrir une enquête préliminaire, elles ont exprimé de manière très claire quelles réprouvaient le fait que les requérants aient affiché aussi publiquement leur orientation sexuelle, citant lincompatibilité des « valeurs familiales traditionnelles » avec lacceptation de lhomosexualité par la société.
Dès lors, selon la CEDH, lattitude discriminante des autorités a privé les requérants de la protection que le droit pénal leur garantissait contre des faits qui ne peuvent être qualifiés que dappel non dissimulé à une atteinte à leur intégrité physique et mentale.
Partant, la Cour dit quil y a eu violation de larticle 14 combiné avec larticle 8 de la Convention.