La société T. est titulaire de la marque dénominative française « T. » pour désigner notamment le champagne. La cession de la société T. a été décidée et Mme Virginie T., actionnaire de cette société, a cédé ses parts à Mme Anne-Claire T. et M. S. Lacte de cession précisait notamment que la famille T. sengageait, au profit de lacheteur, à ne pas faire usage du nom T. directement ou indirectement, dans le monde entier, pour désigner et/ou promouvoir tout produit ou service en concurrence avec tout ou partie de l’Activité et/ou avec tout ou partie des produits ou services dérivant des opérations de l’Activité.
Mme Virginie T. a par la suite déposé la marque verbale française « Virginie T » pour désigner notamment le champagne. Afin d’assurer la distribution de ce champagne, elle a créé la société X. et a réservé certains noms de domaine comme par exemple « www.virginie-t.com ».
Invoquant l’utilisation commerciale du nom « T. » pour la vente et la promotion du champagne « Virginie T » et la mise en uvre d’une communication systématiquement axée sur le nom de famille « T. » et sur l’image de la marque « T. », la société T. a assigné Mme Virginie T. et la société X. pour violation des stipulations de la convention de cession, atteinte à la marque renommée « T. », concurrence déloyale et parasitisme.
Dans un arrêt du 1er juillet 2016, la cour dappel de Paris a rejeté la demande de la société T. portant sur latteinte à la marque renommée. Elle a tout dabord relevé que la renommée de la marque T., désignant en particulier du vin de champagne, nétait pas contestée. Ainsi, le consommateur normalement avisé pouvait établir un lien entre les actes imputés à Mme T., incriminés comme usage, et la marque invoquée. Elle a cependant conclu que Mme T. ne tirait indûment aucun profit de la renommée de ladite marque et ne portait pas préjudice à sa valeur distinctive ou à sa renommée en rappelant son origine familiale, que son nom suffit à identifier, son parcours professionnel ou son expérience passée.
Le 10 juillet 2018, la Cour de cassation casse larrêt rendu par la cour dappel.
Au visa de larticle L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, elle rappelle que la reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services identiques, similaires ou non à ceux désignés dans l’enregistrement, engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. Le profit indûment tiré de la renommée de la marque doit être apprécié globalement en examinant tous les facteurs pertinents de lespèce. Lorsquil est établi que le tiers a tiré indûment profit de la renommée de la marque, il appartient à ce dernier de démontrer que lusage dun tel signe avait un juste motif.
En lespèce, la Cour de cassation précise que l’existence éventuelle d’un juste motif à l’usage du signe n’entrait pas en compte dans l’appréciation du profit indûment tiré de la renommée de la marque. Le juste motif doit en effet être apprécié en second lieu, une fois que l’atteinte a été caractérisée. La cour dappel aurait donc dabord dû rechercher si Mme Virginie T. avait indûment tiré profit de la marque T. avant dexaminer léventuel juste motif tiré du fait que le nom de famille de Mme Virginie T. était identique à la marque.