Le 26 février 2015, le Royaume du Maroc a fait citer un de ses ressortissants, devant le tribunal correctionnel de Paris, du chef de diffamation publique envers un particulier. Etaient en cause des propos tenus sur des chaînes de télévision françaises à loccasion de la manifestation du 11 janvier 2015 (pourvoi n° 18-82.737).
Le 29 décembre 2015, il a déposé deux plaintes avec constitution de partie civile du même chef, devant le doyen des juges dinstruction du tribunal de grande instance de Paris, lune contre un organe de presse (pourvoi n° 17-84.509), et lautre contre une maison dédition et le même ressortissant que celui visé par la première citation (pourvoi n° 17-84.511). Etaient en cause des écrits dont plusieurs passages étaient jugés diffamatoires par cet Etat.
Ayant été déclaré irrecevable au motif quil ne pouvait être assimilé à un particulier au sens de larticle 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le Royaume du Maroc a formé trois pourvois en cassation qui ont été renvoyés devant lassemblée plénière de la Cour de cassation.
Dans trois arrêts du 10 mai 2019, la Cour de cassation rejette les pourvois du Royaume du Maroc.
Elle rappelle que larticle 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne permet pas à un Etat, qui ne peut pas être assimilé à un particulier au sens de ce texte, dengager une poursuite en diffamation.
Elle rappelle également qu’en droit interne, la liberté dexpression est une liberté fondamentale qui garantit le respect des autres droits et libertés. Les atteintes portées à son exercice doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à lobjectif poursuivi.
Il en est de même au sens de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales (pourvoi n° 18-82.737).
La Haute juridiction judiciaire indique que, à la supposer invocable, il ne résulte pas de larticle 8 de la Convention EDH quun Etat peut se prévaloir de la protection de sa réputation pour limiter lexercice de cette liberté (pourvoi n° 18-82.737).
De même, il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de lhomme que les organes de la Convention peuvent créer, par voie dinterprétation de son article 6, § 1, un droit matériel de caractère civil qui na aucune base légale dans lEtat concerné (pourvois n° 17-84.509 et 17-84.511).
Ainsi, il nexiste aucun droit substantiel, dont le droit processuel devrait permettre lexercice en organisant un accès au juge de nature à en assurer leffectivité.
En conséquence, aucun Etat, qui soutient être victime dune diffamation, ne peut agir en réparation du préjudice qui en résulterait.