Soutenant qu’une chaîne de télévision s’apprêtait à diffuser un reportage consacré au harcèlement sexuel, au cours duquel son ancienne salariée le mettrait gravement en cause, un président et sa société ont assigné en référé à heure indiquée la chaîne, le rédacteur en chef de l’émission et le journaliste ayant réalisé le reportage litigieux, pour voir ordonner la production aux fins de visionnage du reportage et dire qu’à l’issue de cette mesure, les débats seraient repris sur la demande d’interdiction de la diffusion des passages portant atteinte à la présomption d’innocence et au droit au respect de la vie privée du demandeur, ainsi qu’à l’image, la marque et la réputation de sa société.
Invoquant la méconnaissance des dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les défendeurs ont soulevé la nullité de l’assignation.
La cour d’appel de Paris a écarté ce moyen.
Les juges du fond ont énoncé que le litige était un référé préventif qui trouvait son fondement dans les dispositions de l’article 809 du code de procédure civile, lesquelles permettent au juge des référés de prendre des mesures pour prévenir un dommage imminent. Il ne saurait selon eux être fait grief à l’acte introductif d’instance de ne pas avoir précisé, articulé et qualifié des propos qui auraient dû être poursuivis sur le fondement de la loi sur la liberté de la presse, dès lors que ces propos n’avaient fait encore l’objet d’aucune diffusion, au moment de l’introduction de l’instance, et que les demandeurs ne savaient pas quels propos exacts étaient tenus dans le reportage en cause.
Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation le 26 septembre 2019 : l’article 53 de la loi sur la liberté de la presse doit recevoir application devant la juridiction civile, y compris dans les procédures d’urgence et même dans le cas où l’action est exercée préalablement à toute publication.