Dans son numéro de novembre/décembre 2012, une revue consacrée au vin a publié un article qui relatait une dégustation à l’aveugle et rapportait les propos du dégustateur critiquant le vin Château X.
Le propriétaire du Château X. a assigné l’éditeur de la revue en dénigrement pour obtenir l’indemnisation de son préjudice ainsi que la publication de la décision à intervenir. Soutenant que l’article litigieux affirmait faussement que, lors de la dégustation, » […] l’aurait emporté sept fois sur […] », il lui reprochait de ne pas avoir procédé à la vérification de cette information.
La cour d’appel de Montpellier a rejeté ses demandes.
Les juges du fond ont relevé que les propos contenus dans l’article étaient de nature à porter atteinte à la réputation du vin Château X. Ils ont toutefois retenu que l’éditeur n’avait aucun devoir de vérification de la qualité ni même de l’exactitude de la chronique, dès lors qu’il était admis que son auteur était un critique en oenologie reconnu dans le milieu averti des lecteurs de cette revue spécialisée et que l’éditeur n’avait pas connaissance de l’erreur matérielle résultant de l’inversion de notes attribuées aux bouteilles de la dégustation.
La Cour de cassation censure ce raisonnement.
Dans son arrêt rendu le 12 décembre 2018, elle rappelle tout d’abord que même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la publication, par l’une, de propos de nature à jeter le discrédit sur un produit fabriqué ou commercialisé par l’autre, peut constituer un acte de dénigrement, sans que la caractérisation d’une telle faute exige la constatation d’un élément intentionnel.
La Haute juridiction judiciaire précise cependant que lorsque les appréciations portées sur un produit concernent un sujet d’intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante, leur divulgation relève du droit à la liberté d’expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait, dès lors, être regardée comme fautive, sous réserve qu’elles soient exprimées avec une certaine mesure.
En revanche, l’éditeur de presse, tenu de fournir des informations fiables et précises, doit procéder à la vérification des faits qu’il porte lui-même à la connaissance du public. A défaut, la diffusion d’une information inexacte et dénigrante sur un produit est de nature à engager sa responsabilité.
En l’espèce, si les appréciations portées par le dégustateur, au demeurant non incriminées, ne faisaient qu’exprimer son opinion et relevaient, par suite, du droit de libre critique, il incombait au défendeur, en sa qualité d’éditeur de presse, de procéder à la vérification des éléments factuels qu’il portait lui-même à la connaissance du public et qui avaient un caractère dénigrant. Dès lors, la cour d’appel a violé l’article 1240 du code civil.