La Chambre du commerce et de l’industrie de Haskovo (Bulgarie) a présenté devant l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) une demande d’annulation de la marque « DEVIN », nom d’une ville bulgare, dont l’enregistrement comme marque de l’Union européenne est obtenu par la société D. pour les boissons non alcooliques.
Par une décision du 2 décembre 2016, en constatant que la ville de Devin en Bulgarie était connue du grand public bulgare et d’une proportion considérable de consommateurs dans les pays voisins tels que la Grèce et la Roumanie, en particulier en tant que célèbre station thermale, et que le nom de cette ville était associé, par les milieux intéressés, à la catégorie de produits couverts par la marque contestée, notamment les eaux minérales, l’EUIPO a prononcé la nullité de la marque contestée dans son intégralité.
Par conséquent, le défendeur a saisi le Tribunal de l’Union européenne (TUE) pour obtenir l’annulation de la décision précitée.
Le 25 octobre 2018, le TUE annule la décision de l’EUIPO.
Tout d’abord, il relève que, pour le consommateur bulgare, même si celui-ci reconnaît le terme comme « devin » nom géographique, il apparaît extrêmement peu plausible que la marque DEVIN n’ait pas acquis en Bulgarie, à tout le moins, un caractère distinctif normal, sans même se prononcer sur sa renommée.
Ensuite, il souligne que l’EUIPO, en se focalisant à tort sur les touristes étrangers, notamment grecs ou roumains, qui visitent la Bulgarie ou Devin, n’a pas pris en considération l’ensemble du public pertinent, constitué par le consommateur moyen de l’Union, notamment de ses Etats membres. À cet égard, le Tribunal considère que le consommateur moyen d’eau minérale et de boissons dans l’Union ne jouit pas d’un haut degré de spécialisation en géographie ou en tourisme et qu’il n’existe pas d’élément de preuve spécifique permettant d’établir qu’il perçoit le terme « devin » comme un lieu géographique en Bulgarie.
Il rappelle également que le droit de l’Union prévoit, dans la définition même du droit exclusif conféré par une marque, des garde-fous destinés à préserver les intérêts des tiers. D’une part, la protection de la fonction d’indication d’origine de la marque ne couvre que son usage pour des produits (ou services) identiques ou similaires et exige un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, lequel est présumé en cas de double identité des signes et des produits. D’autre part, la protection de la fonction publicitaire de la marque renommée couvre aussi des produits non similaires, mais exige un risque de dilution ou de parasitisme et, de surcroît, ne vise pas les usages ayant un « juste motif ». En l’espèce, le nom de la ville de Devin demeure donc disponible aux tiers non seulement pour un usage descriptif, tel que la promotion du tourisme dans cette ville, mais également à titre de signe distinctif en cas de « juste motif » et d’absence de risque de confusion.
Enfin, il conclut que l’EUIPO n’a pas établi l’existence d’un degré suffisant de reconnaissance de la ville de Devin par le consommateur moyen de l’Union, notamment grec ou roumain. La partie des consommateurs de l’Union qui connaît la ville de Devin doit être considérée comme infime. Il en résulte que l’EUIPO a commis une erreur d’appréciation en concluant que la marque contestée était descriptive d’une provenance géographique pour ce qui concerne le consommateur moyen des pays voisins de la Bulgarie, à savoir la Grèce et la Roumanie, ainsi que celui de tous les autres Etats membres de l’Union.