LInstitut national de laudiovisuel (INA) a commercialisé, sur son site internet, des vidéogrammes et un phonogramme reproduisant les prestations dun batteur de jazz décédé. Ses ayants droit, soulignant que cette commercialisation sétait faite sans leur autorisation, ont assigné linstitut pour obtenir réparation de l’atteinte portée aux droits d’artiste-interprète dont ils étaient titulaires.
Dans un arrêt du 10 mars 2017, la cour dappel de Versailles a rejeté les demandes des ayants droit.
Le 11 juillet 2018, la Cour de cassation a sursis à statuer afin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de lUnion européenne (CJUE).
Elle rappelle tout dabord que selon larticle L. 212-3 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, la fixation de la prestation de lartiste-interprète, sa reproduction et sa communication au public sont soumises à lautorisation écrite de lartiste-interprète.
Elle souligne ensuite que larticle 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 prévoit que lINA, établissement public de l’Etat à caractère industriel et commercial, est chargé de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national. Ainsi, il assure la conservation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et contribue à leur exploitation. Pour cela, il bénéficie des droits d’exploitation des extraits des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme.
La Haute juridiction judiciaire signale également que la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 a modifié l’article 49 de la loi du 30 septembre 1986 en prévoyant que, « par dérogation aux articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle, les conditions d’exploitation des prestations des artistes-interprètes des archives mentionnées au présent article et les rémunérations auxquelles cette exploitation donne lieu sont régies par des accords conclus entre les artistes-interprètes eux-mêmes ou les organisations de salariés représentatives des artistes-interprètes et l’institut. Ces accords doivent notamment préciser le barème des rémunérations et les modalités de versement de ces rémunérations ». De plus, la Cour de cassation avait déjà précisé, dans un arrêt du 14 octobre 2015, que ce régime dérogatoire n’est pas subordonné à la preuve de l’autorisation, par l’artiste-interprète, de la première exploitation de sa prestation.
Concernant les normes européennes, la Cour de cassation indique que le régime dérogatoire de lINA n’entre dans le champ d’aucune des exceptions et limitations que les Etats membres ont la faculté de prévoir sur le fondement de l’article 5 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001. Ainsi, les ayants droit se prévalaient dune décision de la CJUE où celle-ci avait précisé que la protection des auteurs prévues aux articles 2 et 3 de la directive précitée doit se voir reconnaître une large portée. Cependant, bien que la directive ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale poursuive un objectif dans l’intérêt culturel des consommateurs et de la société dans son ensemble, la poursuite de ces missions ne saurait justifier une dérogation non prévue par le législateur de l’Union à la protection assurée aux auteurs par cette directive. Les requérants revendiquaient ainsi que même si lINA a pour objectif de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national, cette mission ne saurait justifier le régime dérogatoire de lINA qui na pas été envisagé par le législateur européen.
La Cour de cassation précise cependant que cette décision avait été rendue en matière de législation sur les livres indisponibles et nest donc pas transposable au litige. En effet, le régime dérogatoire prévu pour lINA a pour but de concilier les droits des artistes-interprètes avec ceux des producteurs.
Par conséquent, la Cour de cassation souhaiterait savoir si les articles 2, b), 3, paragraphe 2, a), et 5 de la directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent au régime dérogatoire dont bénéficie l’INA. Cette question est déterminante pour la solution du litige et présente une difficulté sérieuse. Par conséquent, elle doit être renvoyée à la CJUE.