Devant la sortie imminente de l’ouvrage que lui a consacré son ex-maîtresse et après la publication dans un journal d’une série d’articles consacrés à l’auteure et à son œuvre, M. S.-K. a assigné en référé l’auteure, son éditeur et la société éditrice du journal, sur le fondement de l’article 9 du code civil, de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme des articles 808 et 809 du code de procédure civile pour atteinte à l’intimité de sa vie privée, et tenue de propos injurieux et diffamatoires.
Les défendeurs soutenaient, sur la forme, que selon l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, est nulle une assignation retenant pour le même fait la double qualification d’injure et de diffamation. Sur le fond, les défendeurs soutenaient que les deux scènes de nature sexuelle visées ne pouvaient être retenues en raison de leur caractère romancé et fictionnel, et que le livre contribuait à un débat d’intérêt général.
Dans un jugement du 26 février 2013, le tribunal de grande instance de Paris accède aux demandes de M. S.-K., aux motifs que si la victime d’une publication illicite est en droit de fonder son action sur le texte de son choix, c’est sous réserve que l’atteinte alléguée à la vie privée n’apparaisse pas comme un détournement de la loi sur la liberté de la presse. En l’espèce, le juge retient que « les poursuites sont clairement fondées sur le seul article 9 du code civil », et l’atteinte à la dignité n’étant pas poursuivie indépendamment des atteintes à la vie privée invoquées, de sorte qu’il n’y a pas lieu à requalification ni à nullité de l’assignation.
Sur le fond, le tribunal retient, s’agissant des atteintes à la vie privée dans le livre, que l’identification du demandeur ne fait aucun doute et que la révélation non autorisée d’une relation intime est en elle-même attentatoire à sa vie privée.
Au surplus, le juge retient que « s’il est exact que l’ouvrage litigieux peut présenter des aspects relevant d’un sujet d’intérêt général, tels que l’exercice et la conquête du pouvoir ou le dédoublement de la personnalité, il n’en contient pas moins de nombreux passages sans lien direct avec ces questions ».
Enfin, la sincérité de la démarche littéraire est jugée gravement compromise par un mail, dont l’authenticité n’est pas contestée, envoyé par l’auteur au demandeur, lui demandant pardon d’avoir participé à un « projet » de « te faire croire que j’étais éprise de toi… ».
En conséquence, les limites de la liberté d’expression ont été dépassées et le droit à la liberté de création ne peut prévaloir sur les atteintes à la vie privées, qui sont caractérisées.