La société X. est titulaire des marques françaises A., B. et C., désignant des chaussures. La société Y., licenciée et distributeur exclusif en France de ces marques, a été informé dune retenue douanière. Elle a alors procédé à un constat d’achat et à une saisie-contrefaçon de paires de chaussures comportant les dites marques dans plusieurs magasins de la société Z. La société Y. a par conséquent assigné la société Z. en contrefaçon. Celle-ci a cependant invoqué l’épuisement des droits de la société X. sur ces marques pour les produits en cause. Les sociétés X. et Y. ont alors revendiqué que les produits litigieux nétaient pas authentiques.
Dans un arrêt du 25 mai 2016, la cour dappel de Colmar a conclu que la société Z. navait pas commis dactes de contrefaçon. Elle a également rejeté les demandes de dommages-intérêts des sociétés X. et Y. Elle a relevé que ces dernières ne démontraient pas que les chaussures litigieuses nétaient pas authentiques. Elles ne rapportaient donc pas la preuve de la contrefaçon qu’elles invoquaient.
Le 3 mai 2018, la Cour de cassation casse larrêt rendu par les juges du fond.
Au visa des articles L. 713-2, L. 713-4, L. 716-1 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle, elle rappelle qu’il appartient aux juges du fond, saisis d’une action en contrefaçon à laquelle est opposé l’épuisement des droits conférés par la marque invoquée, de rechercher si le tiers poursuivi rapporte la preuve de cet épuisement pour chacun des exemplaires du produit concerné reconnus authentiques sauf si le tiers poursuivi démontre, pour échapper à cette preuve, l’existence d’un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux.
Par conséquent, en se bornant à retenir que les sociétés X. et Y. n’établissaient pas le défaut d’authenticité des produits en cause sans rechercher si la société Z. rapportait la preuve de l’épuisement des droits qu’elle invoquait comme moyen de défense ou la preuve d’un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
La Haute juridiction judiciaire applique ainsi une solution rendue par la Cour de justice des communautés européennes le 8 avril 2003.
Celle-ci avait indiqué, dans cet arrêt, qu »une règle de preuve en vertu de laquelle l’épuisement du droit de marque constitue un moyen de défense pour le tiers poursuivi par le titulaire de la marque, de sorte que les conditions de cet épuisement doivent, en principe, être prouvées par le tiers qui l’invoque, est compatible avec le droit communautaire ». Le principe de libre circulation des marchandises impose néanmoins certains aménagements, notamment dans le cas où le tiers parvient à démontrer qu’il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux.