Un père de famille a adressé un mail à un journaliste afin quil procède à une enquête et publie un article sur l’action de magistrats et policiers à son encontre. Le journaliste ayant communiqué ce courriel à un officier de police judiciaire, lequel la transmis au procureur de la République, le père a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour outrage à magistrat et pour menace de mort à lencontre de sa présidente.
La cour dappel de Pau a rejeté le moyen pris de ce que le délit de menace de mort nétait pas constitué au motif que ce courriel contenait des menaces de crimes ou de délits graves contre les personnes, susceptible d’être porté à la connaissance de l’autorité publique afin de garantir la sécurité des personnes visées par ces menaces. Par ailleurs, en donnant à son courriel un ton délibérément dramatique, lintéressé ne pouvait s’attendre à ce que ce document reste confidentiel.
Dans une décision du 23 mars 2018, la Cour de cassation valide le raisonnement des juges du fond au motif que lauteur ne pouvait ignorer que la menace formulée parviendrait à la connaissance des personnes visées dès lors que larticle 223-6 du code pénal impose, sous peine de poursuites pénales, à quiconque pouvant empêcher par son action immédiate soit un crime soit un délit contre lintégrité corporelle dune personne de prendre les mesures à sa portée pour y parvenir.
Par ailleurs, la cour dappel a retenu le délit doutrage à magistrat, soulignant que le père de famille ne pouvait ignorer que larticle quil demandait au journaliste de publier aurait impliqué une enquête sérieuse donnant la parole aux personnes qu’il visait et que les propos concernant la magistrate auraient pu être portés à sa connaissance.
La Haute juridiction judiciaire casse larrêt dappel sur ce moyen au visa des articles 434-24 du code pénal et 593 du code de procédure pénale et rappelle que « dans les cas où des propos outrageants à légard dun magistrat sont tenus devant un tiers en labsence de la personne visée ou ne sont adressés quà un tiers, le délit doutrage à magistrat nest constitué que si, dune part, leur auteur a lintention, non pas seulement de prendre à témoin son interlocuteur, mais de voir ses propos rapportés à lintéressé, et que, dautre part, en raison de ses liens avec ce magistrat, ce tiers lui rapportera nécessairement loutrage ».
Cest à tort que le juge du fond a statué sans caractériser ni la volonté du prévenu de sadresser, fût-ce par un intermédiaire, au magistrat concerné, ni la qualité de rapporteur nécessaire du destinataire des propos.
Larrêt dappel est également cassé au visa des articles 111-4 et 434-25 du code pénal et larticle 593 précité dire pour avoir dit établi le délit datteinte à l’autorité judiciaire par discrédit jeté sur une décision de justice, alors que lécrit en cause avait été adressé à un journaliste par un courrier exclusif, en lui-même, de toute publicité, et ne contenant pas de demande de le rendre public et alors quil na pas été caractérisé en quoi les propos, aussi outrageants fussent-ils à lencontre des magistrats dont leur auteur critiquait les décisions rendues à son égard, étaient, dans les circonstances où ils avaient été tenus et compte tenu de lécho dont ils auraient bénéficié, de nature à porter atteinte à lautorité ou à lindépendance de la justice.