Dans le cadre dune enquête pour vol dun téléphone, la police judiciaire espagnole a demandé au juge dinstruction de lui accorder laccès aux données didentification des utilisateurs des numéros de téléphone activés depuis le téléphone volé durant une période de douze jours à partir de la date du vol.
Le juge dinstruction a refusé, au motif que les faits à lorigine de lenquête pénale ne sont pas constitutifs dune infraction sanctionnée dune peine de prison supérieure à cinq ans.
Dans deux arrêts de la Cour de justice de lUnion européenne (CJUE), la notion d »infractions graves » a été utilisée pour apprécier la légitimité et la proportionnalité dune ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que dans le droit à la protection des données à caractère personnel.
Une juridiction espagnole, saisie de laffaire, a interrogé la Cour sur la fixation du seuil de gravité des infractions à partir duquel une atteinte aux droits fondamentaux peut être justifiée, au regard des arrêts précités, lors de laccès, par les autorités nationales compétentes, aux données à caractère personnel conservées par les fournisseurs de services de communications électroniques.
Dans ses conclusions du 3 mai 2018, lavocat général Henrik Saugmandsgaard Øe énonce tout dabord que cette ingérence est une mesure ciblée et limitée dans le temps. Ainsi, les effets potentiellement nuisibles, pour les personnes visées par la demande daccès en cause, sont à la fois modérés et encadrés. Lingérence entraînée par la communication de ces données didentité civile ne revêt donc pas un caractère de particulière gravité.
Il ajoute que cest uniquement lorsque lingérence subie est dune particulière gravité que les infractions susceptibles de justifier une telle ingérence doivent elles-mêmes être dune particulière gravité. En revanche, dans le cas dune ingérence non grave, même les infractions pénales qui ne sont pas dune particulière gravité sont susceptibles de justifier une telle ingérence.
Les autorités compétentes peuvent donc avoir accès aux données didentification détenues par les fournisseurs de services de communications électroniques, lorsque ces données permettent de retrouver les auteurs supposés dune infraction pénale ne revêtant pas de caractère grave.
Lavocat général en conclut que la mesure demandée par la police judiciaire en lespèce entraîne, dans les droits fondamentaux garantis par la directive et par la Charte, une ingérence qui natteint pas un niveau de gravité suffisant pour quil faille réserver un tel accès aux cas dans lesquels linfraction concernée revêt un caractère grave.