Le 28 août 2008, lors d’une visite du Président de la République Nicolas Sarkozy à Laval, un homme a brandi un petit écriteau sur lequel était inscrite la phrase « casse toi pov’con », faisant ainsi référence à une réplique très médiatisée du Président Sarkozy, prononcée lors du Salon de l’agriculture de 2008, alors qu’un agriculteur avait refusé de lui serrer la main. Cette phrase, très commentée, avait fait l’objet d’une large diffusion dans les médias et avait été reprise sur internet à de nombreuses occasions et utilisée comme slogan lors de manifestations.
Le 6 novembre 2008, le tribunal de grande instance de Laval a déclaré l’intéressé coupable du délit d’offense au Président de la République, réprimé par la loi sur la liberté de la presse, ainsi qu’à une amende de 30 € avec sursis. Ce jugement a été confirmé le 24 mars 2009 par la cour d’appel d’Angers. Le pourvoi du requérant n’a pas été admis par la Cour de cassation.
Invoquant l’article 10 de la convention EDH, le requérant a soutenu devant la Cour européenne des droits de l’Homme que sa condamnation avait porté atteinte à sa liberté d’expression.
Dans son arrêt rendu le 14 mars 2013, tout en admettant que la phrase litigieuse était littéralement offensante à l’égard du Président de la République, la CEDH estime que la critique formulée par le requérant était de nature politique. En effet, la cour d’appel avait établi un lien entre l’engagement politique du requérant et la nature même des propos employés. Or, l’article 10 ne laisse guère de place à des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine politique.
Selon la Cour, « un homme politique s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes par les citoyens et doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance vis-à-vis des critiques à son égard. » Elle ajoute que le fait de sanctionner pénalement de tels comportements « est susceptible d’avoir un effet dissuasif sur des interventions satiriques qui peuvent contribuer au débat sur des questions d’intérêt général sans lequel il n’est pas de société démocratique. »
La CEDH conclut que le recours à une sanction pénale à l’encontre de l’intéressé était disproportionné au but visé et n’était donc pas nécessaire dans une société démocratique : il y a bien eu violation de l’article 10.