Dans le numéro 3377 de son magazine, la société X. a publié un article, accompagné de photographies, relatant le mariage religieux de M. Y. et de Mme C. et le baptême de leur fils. Invoquant l’atteinte portée à leurs droits au respect dû à leur vie privée et à leur image, M. et Mme Y., agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur, ont assigné la société pour obtenir réparation de leurs préjudices, ainsi que des mesures d’interdiction et de publication.
Dans un arrêt du 3 novembre 2016, la cour dappel de Versailles a partiellement fait droit à la demande des époux Y. Après avoir énoncé que leur mariage religieux et le baptême de leur fils revêtaient un caractère privé, elle retient qu’un tel mariage n’a pas eu d’impact au regard du rôle tenu par les intéressés sur la scène sociale et qu’aucun événement d’actualité ou débat d’intérêt général ne justifient qu’il soit porté atteinte à leur vie privée.
Par un arrêt du 21 mars 2018, la Cour de cassation a partiellement validé le raisonnement de la cour dappel de Versailles. Elle rappelle que le droit au respect de la vie privée et le droit au respect dû à l’image d’une personne, d’une part, et le droit à la liberté d’expression, d’autre part, ont la même valeur normative. Elle précise qu’il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime.
Elle note qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) que, pour procéder à la mise en balance des droits en présence, il y a lieu de prendre en considération, entre autres, la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies (CEDH, arrêt du 10 novembre 2015). Elle souligne que la définition de ce qui est susceptible de relever de l’intérêt général dépend des circonstances de chaque affaire.
En lespèce, elle considère qu’en se prononçant comme elle l’a fait, sans procéder, de façon concrète, à l’examen de chacun de ces critères, et, notamment, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le public avait un intérêt légitime à être informé du mariage religieux d’un membre d’une monarchie héréditaire et du baptême de son fils, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.