La société SFR a commercialisé des forfaits dits « Carré » associés à une offre « prix Eco », offrant aux consommateurs le choix entre un abonnement à un service de téléphonie sans achat d’un terminal mobile, à un prix dit « prix Eco », et un forfait associé à l’acquisition d’un téléphone mobile, auquel cas, le consommateur pouvait, lors de la souscription de l’abonnement, opter soit pour l’acquisition du mobile à un prix dit « prix de référence » assorti d’un forfait « à prix Eco », soit pour l’acquisition à un prix « attractif », associée à un engagement d’abonnement « un peu plus cher chaque mois » jusqu’à son terme de douze ou vingt-quatre mois, le forfait revenant ensuite au prix « Eco ».
Soutenant que cette dernière formule caractérisait une opération de crédit méconnaissant les dispositions régissant l’information des consommateurs, ainsi qu’une pratique commerciale trompeuse à l’égard de ces derniers, constitutives de concurrence déloyale, la société Free a assigné la société SFR en réparation de son préjudice et cessation des pratiques.
Invoquant un dénigrement, cette dernière a demandé reconventionnellement réparation de son préjudice.
Dans un arrêt du 9 mars 2016, la cour d’appel de Paris a rejeté les demandes de la société Free.
Tout d’abord, les juges du fond ont énoncé que la qualification d’opération de crédit suppose que le vendeur consente à l’acquéreur, par l’octroi d’un délai pour payer le prix de la vente après la livraison du bien, une avance que celui-ci doit lui restituer en totalité.
Ensuite, ils ont constaté que, dans les formules « Carré » en cause, la société SFR propose concomitamment un contrat de vente d’un terminal mobile et un contrat de prestations de services par souscription d’un abonnement à un service de téléphonie pour une durée de douze ou vingt-quatre mois, chaque contrat relevant de conditions générales distinctes.
Il ressort des conditions générales du contrat de vente qu’en le souscrivant, l’acquéreur acquiert un terminal mobile selon un prix attractif affiché, soit un prix convenu entre les parties qu’il paie comptant à la livraison.
En outre, il n’existe aucun engagement de payer à terme la totalité ou partie du prix, de sorte que le vendeur ne lui consent aucun délai pour payer le prix de la vente après la livraison du terminal, sauf dans l’hypothèse particulière d’une vente à distance par téléphone ou internet lorsque le téléphone est envoyé avant d’avoir été payé, mais que, dans ce cas, le paiement du prix convenu doit intervenir dans le délai d’un mois au plus tard après la livraison du terminal, ce qui exclut l’application des dispositions du crédit à la consommation en vertu de l’article L. 311-3, 4° du code de la consommation, le délai de remboursement du prix étant inférieur à trois mois.
Par ailleurs, il n’est pas démontré que, comme le soutient la société Free, la majoration du coût de l’abonnement corresponde au différentiel entre le prix attractif du téléphone et son véritable prix, d’autant que le différentiel entre le prix de référence et le prix attractif est fixe par catégorie de forfaits et que le prix de l’abonnement n’est pas corrélé à celui du terminal mobile, et qu’il existe de nombreuses hypothèses de résiliations anticipées légales ou conventionnelles (rétractation, chômage, ouverture d’une procédure collective, surendettement, hospitalisations, incarcération, déménagement, force majeure, augmentation de tarif en cours d’exécution, changement de forfait dès quatre mois après l’achat du mobile) où, quelle que soit la durée de l’abonnement (douze ou vingt-quatre mois), le consommateur n’est pas tenu de rembourser l’intégralité des mensualités de l’abonnement jusqu’au terme du contrat, de sorte que la condition tenant au remboursement de l’intégralité de l’avance consentie, inhérente au contrat de crédit, fait défaut.
Enfin, la cour d’appel a relevé que, lors de la souscription du contrat, la survenance de ces événements susceptibles d’affecter l’exécution du contrat d’abonnement est imprévisible, de sorte qu’à la date de la formation du contrat, la durée réelle d’engagement du consommateur n’est pas connue et, partant, le montant de l’avance sur le prix qu’aurait consentie le vendeur est indéterminé, alors même que le prix attractif payé et le prix de référence du mobile sont certains et demeureront inchangés.
La cour d’appel en déduit que, dans le cadre de l’opération économique en cause, l’obligation de remboursement, inhérente à toute opération de crédit, n’existe pas et qu’à tout le moins, l’aléa quant au montant de la somme avancée exclut la qualification de contrat de crédit.
La Cour de cassation rejette le moyen le 7 mars 2018.
Elle estime que la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure la qualification d’opération de crédit.
La Haute juridiction judiciaire rappelle que la qualification d’opération de crédit s’entend de toute facilité de paiement.
Elle constate que la cour d’appel n’a pas recherché, comme elle y était invitée, si le report du prix d’achat du mobile sur le prix de l’abonnement en cas d’acquisition d’un terminal mobile à un prix symbolique n’était pas établi par le fait que la majoration mensuelle du forfait imposée au consommateur était concomitante à la réduction substantielle du prix du mobile, qu’aucune autre explication rationnelle ne justifiait, ce dont il serait résulté que la société SFR s’assurait ainsi, en principe, du remboursement des sommes qu’elle avait avancées au moment de la vente du terminal mobile en obtenant de ses clients la souscription d’un forfait majoré pour une durée de douze ou vingt-quatre mois, peu important l’aléa, théorique ou en tous cas limité, pouvant affecter le remboursement des sommes avancées.