Une société est propriétaire de diverses marques françaises, toutes constituées d’une expression rédigée en langue chinoise dont la translitération en alphabet français se lit « Ka Si Té », ce qui, selon les constatations des juges du fond, correspond à la forme chinoise la mieux appropriée du terme « Castel ».
Soutenant que le dépôt, le 25 février 2009, par M. Y. et Mme Z., d’une marque française constituée d’un signe identique afin de désigner des produits similaires ou identiques, puis l’usage de cette marque, avaient été effectués en fraude de ses droits, la société les a assignés en nullité de ce dépôt, contrefaçon de marques et concurrence déloyale.
M. Y. et Mme Z. ont reconventionnellement agi en revendication et en nullité des marques fondant les demandes en contrefaçon.
Dans un arrêt du 4 septembre 2015, la cour d’appel de Paris a condamné M. Y. et Mme Z. au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon.
Elle n’a pas prononcé condamnation contre M. Y. et Mme Z. sur le fondement d’une faute détachable de leurs fonctions sociales, mais en considération de la perception de redevances résultant de l’usage de la marque contrefaisante, dont ils étaient propriétaires.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de M. Y. et Mme Z., le 17 janvier 2018.
Elle rappelle qu’il résulte des articles L. 713-2 et L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle que sont interdites, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction d’une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement, ainsi que l’exportation de marchandises présentées sous une marque contrefaisante.
En outre, ces textes ont été interprétés par la Cour de cassation comme ménageant une exception de motif légitime de détention de tels produits revêtus du signe litigieux sur le territoire français, dans lequel ce signe était protégé en tant que marque, dès lors que ces produits étaient destinés à l’exportation vers des pays tiers dans lesquels ils étaient licitement commercialisés et qu’il n’existait pas de risque que ces marchandises puissent être initialement commercialisées en France, de sorte que les entreprises poursuivies n’avaient fait usage du signe litigieux qu’afin d’exercer leur droit exclusif portant sur la première mise sur le marché de produits revêtus du signe incriminé dans des pays où elles disposaient de ce droit.
Toutefois, les directives de l’Union européenne instituent, notamment par l’article 5, paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, une harmonisation complète en définissant le droit exclusif dont jouissent les titulaires de marques dans l’Union.
La solution retenue par l’arrêt précité ne fait donc pas une application correcte de ce principe d’harmonisation, puisque ni cette directive, ni celles adoptées par la suite, ne prévoient une telle exception, de sorte que le refus de constater la contrefaçon en pareil cas ne peut être maintenu.
Il en résulte qu’ayant constaté que la marque avait été apposée en France, territoire sur lequel elle était protégée, la cour d’appel en a exactement déduit, lors même que les produits ainsi marqués étaient destinés à l’exportation vers la Chine, que la contrefaçon était constituée.