Les sociétés M. et F., exposant notamment qu’elles avaient développé un concept propre d’art français du thé, notamment par la création d’une identité visuelle et le dépôt de nombreuses marques, ont agi contre M. Y., ancien salarié, M. X., qui avait notamment réalisé leur logo, ainsi que contre les sociétés singapouriennes W. et T., en contrefaçon de marques et de droit d’auteur, et concurrence déloyale et parasitaire par copie, dans plusieurs pays d’Asie, des éléments caractérisant cette identité visuelle.
M. X. a objecté la déchéance de certaines de ces marques et formé des demandes reconventionnelles, notamment en contrefaçon de ses propres droits d’auteur.
Dans un arrêt du 1er décembre 2015, la cour d’appel de Paris a prononcé la déchéance des droits des sociétés M. et F. sur la marque française « French Tea », en ce qui concerne le thé et les boissons à base de thé, à compter du 15 décembre 2005, et a déclaré, en conséquence, irrecevable sa demande en contrefaçon de cette marque.
Les sociétés M. et F. ont formé un pourvoi, soutenant qu’en statuant comme elle l’a fait, motif pris que l’attestation du directeur financier et ressources humaines de la société M., attestant « sur l’honneur de la réalité des ventes au public des produits revêtus de marques French Tea, French Breakfast Tea et Thai Orchid entre 2008 et 2013, telle qu’elle résulte des éléments comptables joints, signés de notre commissaire aux comptes », « émane d’un responsable de la société M., laquelle ne saurait se constituer ainsi une preuve à elle-même et doit être corroborée par des justifications d’usage objectives », l’usage sérieux de la marque constituant un fait juridique dont la preuve peut être rapportée par tout moyen, la cour d’appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 714-5, alinéa 5, du code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même.
La Cour de cassation rejette le pourvoi des sociétés M. et F., le 8 novembre 2017.
Elle rappelle que la cour d’appel n’a pas exclu qu’une telle déclaration sur l’honneur soit susceptible de revêtir une valeur probante, mais souverainement apprécié si, compte tenu de son origine, elle était suffisamment corroborée par des justifications objectives.
Par ailleurs, les sociétés M. et F. ont rappelé que dans leurs dernières conclusions d’appel, elles faisaient expressément valoir, s’agissant de l’usage sérieux de la marque « French Tea », qu’il s’agit de la marque « ombrelle », apposée sur tous les thés de la maison M., qui signe l’identité sur laquelle elle a fondé sa communication et bâti sa réputation.
Elles ont donc argué qu’en s’abstenant de répondre à ces conclusions opérantes, de nature à établir l’usage sérieux de la marque « French Tea », apposée notamment sur les boîtes de thé de la marque « French Breakfast Tea » dont elle a constaté l’usage sérieux depuis 2008, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.
La Haute juridiction judiciaire estime que la cour d’appel a répondu, en les écartant, aux conclusions soutenant que cette seconde marque avait été utilisée aux côtés de la première.
En effet, elle a relevé que l’usage sérieux de la marque « French Breakfast Tea » avait repris depuis 2008, tandis que les photographies d’emballages et la reproduction d’un catalogue indiquant la liste des thés vendus dans un emballage portant la marque « French Tea » n’avaient pas date certaine, de sorte que ni son usage sérieux, ni la reprise d’un tel usage n’étaient établis avant le 14 mars 2013.