Un fonctionnaire qui travaillait pour le Conseil national pour létude des archives de la Securitate (CNSAS), en Roumanie, a été révoqué pour avoir fourni des informations pour la publication dun article prétendant quun dirigeant religieux aurait collaboré avec la Securitate (lancienne police politique active sous le régime communiste).
En effet, un quotidien national publia un article signé par le frère du requérant, intitulé « Dans sa jeunesse, T. [le patriarche de lEglise orthodoxe roumaine alors en fonction] aurait été homosexuel ». Une manchette placée en haut de la page titrait « Les archives de lancienne Securitate accusent le chef de lEglise orthodoxe de « pratiques contre nature » et de collaboration avec lancienne police politique ». Larticle reproduisait, entre autres, en fac-similé des extraits de deux documents inédits de 1949 et 1957 provenant des archives de la Securitate : une note de synthèse interne exposant que T. avait été membre de la Légion (un mouvement fasciste antisémite actif entre les deux guerres mondiales) et un document reprenant la transcription dun entretien entre un officier de la Securitate et un informateur qui avait relaté que T. était homosexuel.
M. C. contesta sa révocation mais les juridictions nationales jugèrent que, en sexprimant publiquement, M. C. avait outrepassé son obligation de réserve découlant de son statut de fonctionnaire.
Invoquant larticle 10 (liberté dexpression), M. C. se plaignait de sa révocation en raison des opinions quil a exprimées dans larticle paru le 22 mars 2001.
Le 9 janvier 2018, la Cour européenne des droits de lHomme estime que, certes, la révocation de M. C. constitue une ingérence dans lexercice de son droit au respect de sa liberté dexpression mais que, eu égard aux devoirs et responsabilités des membres de la fonction publique et après avoir pesé les divers intérêts en jeu, lingérence dans le droit à la liberté dexpression de M. C. (sa révocation) poursuivait deux buts légitimes (empêcher la divulgation dinformations confidentielles et protéger les droits dautrui) et était nécessaire dans une société démocratique.
Notamment, la Cour estime que le requérant, qui était membre de la fonction publique, était soumis à une obligation de réserve inhérente à son poste et quil aurait dû faire preuve dune plus grande rigueur et dune particulière mesure dans ses propos.
La Cour considère par ailleurs que lobligation de réserve ne saurait être effacée par lintérêt que le public pouvait témoigner pour les questions découlant de lapplication de la loi et par laccès aux archives de la Securitate. Au contraire, le risque de manipulation de lopinion publique sur la base dun nombre réduit de documents extraits dun dossier ajoutait plus de poids à lobligation de loyauté envers le CNSAS, dont le rôle et le devoir étaient de fournir au public des informations fiables et dignes de crédit.
La Cour est donc davis que le CNSAS a légitimement pu considérer que la prise de position publique de son employé sur un sujet sensible qui relevait de son champ de recherche a irrémédiablement compromis la relation de confiance qui devait exister entre son agent et lui.