Dans un 5 décembre 2016, le Conseil dEtat s’est prononcé quant à la demande d’Orange (anciennement France Télecom) concernant la décharge ou, à défaut, la réduction des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés ainsi que des intérêts de retard correspondants auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006, à hauteur d’un montant de 1.952.322.455 .
Il a d’abord rappelé quelques principes.
Lorsqu’une provision a été constituée dans les comptes de l’exercice, le résultat fiscal de ce même exercice doit, en principe, être diminué du montant de cette provision dont la reprise, lors d’un ou de plusieurs exercices ultérieurs, entraîne, à l’inverse, une augmentation de l’actif net du ou des bilans de clôture du ou des exercices correspondants. Il n’en va autrement que si les règles propres au droit fiscal y font obstacle, notamment les dispositions particulières du 5° du 1 de l’article 39 du code général des impôts limitant la déductibilité fiscale de certaines provisions.
Pour le calcul de la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de l’exercice, lorsqu’une entreprise a, au cours d’un exercice faisant l’objet d’une vérification, comptabilisé une perte tout en procédant à la reprise d’une provision devenue sans objet qu’elle avait comptabilisée au titre d’un exercice antérieur, sans avoir tenu compte de la constitution de cette provision comptable pour la détermination du résultat fiscal de l’exercice concerné bien qu’aucune règle propre au droit fiscal n’y fît obstacle, l’administration fiscale est en droit de corriger la surestimation de l’actif net du bilan d’ouverture de l’exercice au cours duquel la perte a été constatée et la provision a été reprise dans les comptes, en y inscrivant cette provision afin de pouvoir ensuite tirer les conséquences de sa reprise pour la détermination du résultat fiscal de cet exercice.
Lorsque la même omission se retrouve dans les écritures de bilan des exercices antérieurs telles que retenues pour la détermination du résultat fiscal, elle doit y être symétriquement corrigée, pour autant qu’elle ne revête pas, pour le contribuable, un caractère délibéré. Ces corrections ne peuvent toutefois, en vertu des dispositions du 4 bis de l’article 38 du code général des impôts citées au point 1, affecter le bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit. Ces dispositions font de même obstacle à ce que, pour tirer les conséquences de la reprise d’une provision dont la comptabilisation n’avait pas été prise en compte pour la détermination du résultat fiscal d’un exercice antérieur, l’administration corrige les écritures du premier exercice non prescrit. Les seules exceptions à la règle à caractère objectif que fixent ainsi ces dispositions sont celles qu’elles prévoient à leurs deuxième et troisième alinéas.
Le Conseil dEtat note que la cour administrative d’appel de Versailles a relevé que les provisions en cause satisfaisaient aux conditions de déduction posées par les dispositions du 5° du 1 de l’article 39 du code général des impôts, la cour administrative d’appel de Versailles a fait application des principes rappelés aux points 2 et 3.
Puis, alors même qu’elle avait regardé l’exercice clos en 2005 comme le premier exercice non prescrit, la CAA a jugé que l’administration fiscale était en droit d’en corriger le bilan d’ouverture afin de tirer les conséquences de l’annulation des provisions litigieuses pour la détermination du résultat fiscal de la société France Telecom.
Les juges du fond ont ainsi jugé pour la raison de droit que la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit posée par les dispositions du 4 bis de l’article 38 du code général des impôts ne peut, selon elle, bénéficier au contribuable dont la surestimation de l’actif de ce bilan d’ouverture procède d’initiatives délibérément irrégulières et pour le motif de fait que, en l’espèce, l’omission de déduction fiscale de provisions régulièrement comptabilisées procédait d’une telle initiative.
Le Conseil dEtat estime que la cour administrative d’appel de Versailles a commis une erreur de droit en prenant ainsi en compte le caractère selon elle délibérément irrégulier de l’omission de déduction fiscale des provisions litigieuses.
Par suite, Orange est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.