Frais de procédure de la future Juridiction Unifiée du Brevet

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Les frais de procédure et les frais recouvrables de la future Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) sont maintenant connus.

Pour ceux qui n’ont pas suivi les travaux, il faut rappeler que l’accord instituant cette juridiction prévoit qu’elle doit s’autofinancer au bout de 7 ans, d’où la nécessité pour le demandeur, mais parfois aussi pour le défendeur, de payer des frais de justice à cette future juridiction dont les décisions auront effet dans tous les pays membres.

Le Comité préparatoire de la JUB vient juste de publier la nouvelle version du tarif des frais de procédure et des frais recouvrables accompagné d’un projet de document dénommé « guidelines » permettant d’évaluer la valeur du litige, élément de base servant à déterminer le montant des frais à payer.

Par rapport au premier document soumis à la consultation qui s’est terminée le 31 juillet 2015, une différence importante consiste en la suppression des frais de « opt-out » qui auraient dû être payés pour qu’un brevet ne soit pas soumis à la future juridiction unifiée. Précisons que les « guidelines » n’ont pas été soumises à consultation et que, contrairement au projet de règlement de procédure qui en est à sa 18e version (officielle) et a été soumis plusieurs fois à consultation et audition, il ne semble pas prévu de rouvrir un débat public sur les textes ici commentés qui seront donc adoptés sans jamais avoir fait l’objet d’une vraie discussion démocratique, puisque notamment ni le Parlement européen ni les parlements nationaux n’auront jamais à connaître de ce texte.

I. Détermination des frais de procédure

Le système consistant à faire payer des droits de base fixes, augmentés dans un certain nombre de cas d’un montant variable, est maintenu. Le droit de base fixe s’élève à 11.000 euros pour les actions en contrefaçon et les actions en déclaration de non-contrefaçon. Pour les actions reconventionnelles en nullité, il peut monter à 20.000 euros.

Le présent article ne fera pas la liste exhaustive de tous les frais qui devront être payés et qui sont accessibles par le document qui peut être trouvé en suivant ce lien : https://www.unified-patent- court.org/sites/default/files/agreed_and_final_r370_subject_to_legal_scrubbing_to_secretariat.pdf.

Il faut savoir qu’entre la première instance et l’appel, le règlement de procédure ne prévoit pas moins de 32 situations différentes générant l’obligation de payer des frais de justice. 

Le plus important cependant est le fait qu’une partie « frais variables » peut être ajoutée et calculée en fonction de la valeur du litige.

Le premier palier va de zéro à 500.000 euros et les frais variables sont alors de zéro. Ils augmentent ensuite de façon non linéaire et vont de 2.500 euros pour une valeur de litige entre 500.000 et 750.000 euros jusqu’à 2 millions d’euros pour des valeurs de litige supérieures à 50.000.000 euros.

Il ne faut pas se tromper, la valeur du litige n’a rien à voir avec le montant de la demande, même si les deux peuvent parfois être identiques. Les parties auront, en effet, de sérieuses surprises à la lecture du document préparatoire que constituent les « guidelines » servant à déterminer la valeur du litige même si ces « guidelines » ne seront pas forcement impératives (https://www.unified-patent-court.org/sites/default/files/guidelines_for_court_fees_and_recoverable_costs.pdf).

Cette valeur du litige, que les rédacteurs espèrent pouvoir être déterminée entre les parties en cours de litige, via un accord sur le taux des « royalties » applicable au brevet argué de contrefaçon, sera calculée en prenant en compte :

– le montant estimé du chiffre d’affaires du contrefacteur présumé pour le futur jusqu’à la date d’expiration du brevet ;

– et, pour le passé, le chiffre d’affaires connu mais, s’il n’est pas connu ou n’existe pas encore, la part de marché que le défendeur a obtenue ou qui peut être raisonnablement estimée.

C’est sur cette base de chiffre d’affaires ou de part de marché qui devra être déterminée en cours de procédure par le demandeur, sans qu’il ait forcément à ce stade toutes les informations, qu’il faudra appliquer un taux de « royalties » afin d’arrêter la valeur du litige. En l’absence d’accord des parties, ce taux sera soit fixé en tenant compte des pourcentages de « royalties » généralement existants ou acceptés dans l’industrie, soit déterminé par la juridiction après audition des parties. D’autres règles s’appliquent encore pour finaliser, si besoin, cette fixation de la valeur du litige. Les praticiens qui exercent aussi en droit de la concurrence connaissent les joies de la détermination des parts de marché.

On voit donc ici un champ s’ouvrir pour les économistes et aussi l’ouverture plus que probable d’un mini-procès dans le procès afin de déterminer la valeur du litige.

Une réduction des frais de procédure de 40 % sera applicable pour les PME et microentreprises (au sens de la recommandation CE 203/61 du 6 mai 2003) mais cette réduction peut être refusée si elle est disproportionnée ou excessive au vu des capacités financières de la partie (sic). Veut-on ici prendre en compte le cas des « patent trolls » qui n’ont pas de chiffre d’affaires mais des moyens financiers ? Une réduction de 25 % est prévue si les parties acceptent un juge unique.

En outre, un remboursement des frais partiels peut intervenir si les parties se désistent ou transigent. Plus ceci intervient rapidement dans la procédure, plus le remboursement est important !

Restera ensuite à savoir de quelle manière on prendra en considération, lors de la détermination des dommages et intérêts, les informations qui auront pu être fournies par les parties à l’occasion du calcul de la valeur du litige.

Pourra-t-on par exemple prétendre que le taux de « royalties » est de 2 % pour fixer les frais de procédure et découvrir qu’il serait de 5 ou 8 % au moment de demander des dommages et intérêts ?

Cette première partie laisse penser que, même avec application d’une réduction de 40 %, un certain nombre de PME, et encore plus les ETI qui n’ont pas droit au rabais, pourront avoir du mal à défendre leurs droits ou seront poussés vers un juge unique, non pas parce que le litige le justifie mais pour payer moins cher.

Enfin, les présumés contrefacteurs auront-il les moyens d’avancer 20.000 euros en plus des autres coûts pour soutenir que le brevet qu’on leur oppose est nul ? Les règles sur le respect des droits de la défense et le droit au juge semblent ici totalement bafouées. Il sera certes, en théorie, possible de récupérer ces coûts de procédure, comme ceci sera vu ci-après, mais cela ne s’applique que pour la partie qui aura gagné et, bien sûr, si l’autre partie est solvable.

II. Détermination des coûts récupérables

Indépendamment de ces éléments permettant de calculer le montant des frais de procédure, les documents établis par le Comité préparatoire permettent également de déterminer le montant des coûts récupérables.

Les coûts récupérables sont calculés en appliquant un barème fondé sur la valeur du litige pouvant aller jusqu’à plus de 50 millions d’euros, ladite valeur étant fixée de la même manière que lors de la détermination des frais de procédure.

Les coûts récupérables calculés sur le fondement de ce barème sont normalement plafonnés à 2 millions d’euros, avec possibilité cependant d’atteindre exceptionnellement 5 millions d’euros.

Le présent article n’a pas traité toutes les subtilités ni les incohérences du système proposé mais espère ouvrir le débat pour que les droits de la défense puissent être vraiment respectés devant cette future juridiction.

De plus, à l’époque où la CGPME et le gouvernement viennent dire qu’il faut aider les PME françaises à défendre leurs droits de propriété industrielle, il va de soi qu’il faudra peutêtre envisager le lancement de mécanismes de mutualisation, d’aides ou d’assurance afin de leur permettre d’avoir accès à cette future juridiction et de pouvoir, en une seule procédure, défendre leurs droits dans les pays de l’Union qui ont accepté ou qui accepteront d’y participer. À quoi bon inciter à déposer des brevets et mettre en place, avec le brevet unitaire européen, un mécanisme permettant d’obtenir, à moindre coût et avec un seul titre, une protection dans l’ensemble des pays qui participeront au système1, s’il n’est pas possible de défendre les droits ainsi acquis.

À ce jour, nonobstant l’enthousiasme initial, il n’y a en effet que 9 États membres qui ont ratifiél’accord permettant au brevet unitaire européen d’entrer en vigueur, et il manque notamment encore l’Allemagne qui vient juste d’entamer les travaux en vue d’une ratification ainsi que la Grande-Bretagne. À ce sujet, personne ne sait précisément ce qui pourrait se produire si le futur référendum anglais décidait de la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne.

Richard Milchior, Associé, Granrut

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NOTE

1. À ce jour, on ne sait pas si, à terme, la protection couvrira tous les pays de l’Union. Le nombre de pays pourra en effet varier au fil du temps de 13 (nombre minimum au départ) jusqu’à 26, 27 ou 28.