En l’espèce, l’Autorité de la concurrence (ADLC) est saisie, par les sociétés Cogent, de différentes pratiques mises en oeuvre par le groupe France Télécom dans le secteur des prestations d’interconnexion réciproques en matière de connectivité internet, susceptibles d’être qualifiées au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
A la suite d’une évaluation préliminaire ayant conduit le rapporteur à identifier des préoccupations de concurrence concernant d’éventielles pratisques de ciseaux tarifaires mises en oeuvre par la société France Télécom, devenue société Orange, propose de prendre des engagements.
A l’issue de la procédure prévue par les articles L. 464-2 I et R. 464-2 du code de commerce, l’ADLC accepte ces engagements et les rend obligatoires.
Les sociétés Cogent forment un recours contre cette décision.
La cour d’appel de Paris rejette le recours des sociétés Cogent dirigé contre la décision rendue par l’ADLC.
Elle examine, à l’instar de l’ADLC, chacune des pratiques dénoncées dans l’acte de saisine, les motifs pour lesquels six d’entre elles n’apparaissent pas susceptibles de recevoir de qualification et ceux qui ont conduit l’ADLC à limiter les préoccupations de concurrence à d’éventuelles pratiques de ciseau tarifaire. Ainsi, ayant fait ressortir que l’ADLC avait, au terme d’une procédure autonome, épuisé sa saisine, la cour d’appel a, sans méconnaître les exigences des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et 5 du règlement (CE) n° 1/2003, justement retenu que la décision critiquée n’était pas constitutive d’un non-lieu partiel et ne s’inscrivait pas dans le champ d’application des articles L. 462-8 et L. 464-6 du code de commerce.
Les sociétés Cogent avaient été mises en mesure de consulter le dossier avant la séance du collège de l’ADLC et les échanges institutionnels entre cette dernière et la Commission européenne, relevant de documents internes, n’avaient pas été utilisés par les services d’instruction ni opposés aux parties concernées par l’affaire. La cour d’appel a pu en déduire, sans être tenue de procéder à d’autre recherche, que le défaut de communication de tels échanges ne portait pas atteinte aux intérêts des sociétés Cogent.
Par arrêt en date du 12 mai 2015, la Cour de cassation approuve l’arrêt d’appel et rejette le pourvoi formé par les sociétés Cogent.
En premier lieu, constatant que la demande d’échange de trafic avec les abonnés aux offres d’accès à Internet d’Orange pouvait être satisfaite par d’autres voies que celle de l’accès direct au réseau domestique de la société France Télécom (AS 3215), compte tenu de l’existence de trois modalités d’accès alternatives, en particulier la voie indirecte via un transitaire en « peering » avec Open transit, et que le monopole technique pour l’accès au réseau Orange ne conduisait pas à un monopole commercial, la cour d’appel a pu retenir qu’en l’état des éléments recueillis, l’infrastructure essentielle invoquée par les sociétés Cogent concernant les ports d’interconnexion au réseau domestique de la société France Télécom n’est pas caractérisée.
En second lieu, ayant réfuté l’argumentation contestant l’analyse de l’Autorité concernant le marché pertinent, écarté les moyens de fait et de droit invoqués par les sociétés Cogent au soutien de la qualification d’infrastructure essentielle des ports d’interconnexion à l’AS 3215, et vérifié que les préoccupations de concurrence identifiées par l’Autorité, au stade préliminaire, avaient, compte tenu de cette analyse et de l’absence d’éléments établissant les différents comportements discriminatoires reprochés à la société France Télécom, été limitées à d’éventuelles pratiques de ciseaux tarifaires susceptibles d’être révélées par la formalisation des échanges entre Orange internet et Open transit, la cour d’appel n’a pas méconnu l’étendue de son contrôle.